Les Bouleversements culturels
Texte de référence
Le rôle des sentiments
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Donner chair, incarner, inculturer dans la culture de son peuple, proposer une autre vision de la justice ou de la dignité des hommes, partager une expérience mystique, exprimer un nouvel aspect de la vie par une création, tout cela ne représente pas une démarche banale. Cette aventure est parfois vécue comme un drame et, ceux qui s’y sont risqués ont souvent payé cette audace de leur vie.
Pour mieux comprendre l’évolution culturelle de l’humanité, Roger-Pol Droit, philosophe et chercheur au CNRS, propose une clé intéressante que les historiens négligent pourtant le plus souvent. Dans l’histoire de l’humanité, écrit-il, on retient les inventions techniques, les conquêtes scientifiques, ou encore les mutations politiques mais, plus rarement les créations artistiques. Il manque, à mon avis, à cette description du devenir humain, une dimension fondamentale : le rôle des sentiments. L’histoire humaine évolue, en effet, chaque fois qu’il devient possible d’éprouver un type d’émotions auparavant ignoré, ou d’exprimer un désir ou une inquiétude jusqu’alors impossible.
Enrichi par la remarque de ce philosophe, nous allons tenter de décrypter quelques grands moments de l’histoire culturelle de l’humanité en quatre courtes étapes qui seront illustrées par le témoignage de parents qui se laissent provoquer par l’évolution culturelle de leurs enfants.
- De tous temps, des hommes ont ouvert des fenêtres sur les paysages de l’enfoui
- Que de risques pour ouvrir ces fenêtres.
- Bien que dispersé sur les continents, l’homme enfante l’universalité
- Des membres de l’Eglise ont pris bien des risques pour rester fidèles à l’Esprit
- L’aventure de parents avec des enfants qui font évoluer la culture.
Février 2012
J. C. Faivre d’Arcier (Seine-Saint-Denis)
J. de Montalembert (Argentine)
R. Pousseur (responsable du site)
1- De tous temps,des hommes ont ouvert des fenêtres
sur les paysages de l’enfoui
Depuis plus de trois millions d’années, les prèhumains ont laissé des traces de leur savoir par des outils. Vers 400.000 ans avant notre ère, l’homo sapiens a réussi à domestiquer le feu. Il y a 100.000 ans, il commence à prendre conscience du sens de la mort et se met à enterrer ses morts dans des tombes ordonnées. 40.000 ans avant J.-C. (certains pensent remonter jusque 60.000 ans), l’homo sapiens commence a communiquer ce qui lui tient sous des formes symboliques, et notamment par l’art. Il a laissé quelques 20 millions de graphèmes sur des parois rocheuses des 5 continents.
Il y a par exemple la fameuse Cueva de las Manos dans le sud de la Patagonie. Sur les parois en surplomb d’un cañon, pendant plus de 8000 ans ont été peint le négatif de mains de lointains habitants de cette région du bout du monde. Sur ce site on a dénombré environ 850 mains peintes avec une variété de couleurs utilisées. Les pigments étaient remarquables car ils durent jusqu’à aujourd’hui. L’artiste mettait les pigments dans sa bouche et les soufflait à l’aide d’une petite sarbacane sur sa main posée sur la paroi. Quelle est la raison de cette pratique exceptionnelle : en moyenne une main peinte tous les 10 ans ? Dans cette région le site de la Cueva de las Manos est celui où l’on retrouve le plus de mains peintes. Les autres de la région ne dépassent pas la centaine alors qu’ils couvrent environ la même durée.
Quand ils étudient l’apparition de l’homo sapiens, certains paléontologues font pourtant l’impasse sur l’émergence de la création artistique. Ainsi Pascal Picq, dans son livre : « Nouvelle histoire de l’homme », ne consacre que quelques lignes sur l’art. Sa thèse est que l‘homme a déployé des efforts considérables pour se distinguer de l’animal et qu’il s’en est séparé finalement avec des conséquences pour les animaux et pour l’homme, l’un dominant l’autre. D’autres paléontologues, comme H. de Lumley dans « L’homme premier », expliquent la naissance de l’art par l’évolution du crâne de l’homme. Pour lui, cette évolution va entraîner l’émergence d’une pensée symbolique.
Mais cette naissance de l’art reste un mystère pour d’autres paléontologues comme White. « L’origine de l’art est l’un des grands mystères de l’histoire de l’évolution culturelle humaine…. Pourquoi l’art est-il apparu ? » (La naissance de l’art White) Emmanuel Anati écrit dans L’art rupestre dans le monde. L’imaginaire de la préhistoire) quel’homo sapiens a, par l’art rupestre, vécu des expériences intérieures intenses. Il va graver sa quête spirituelle sur des dizaines de milliers de surfaces rocheuses. Ces œuvres d’art révèlent les questions et les inquiétudes qui le taraudaient concernant : la mort, la fécondité et la violence, la quête incessante de nourriture. Devant ces œuvres d’art, « on ne peut qu’être saisi par un profond sentiment du sacré », conclut-il. Quant à Jean Clottes, dans « Pourquoi l’art préhistorique ? », il estime que l’art a pu naître d’une peur de la mort, éprouvée par l’homme, et de l’exploitation de ses rêves chamaniques.
Dans son merveilleux roman Beloved Toni Morrison, prix Pulitzer 1988 écrit après avoir été subjugué par les danses africaines : « Les arts peuvent vous faire prendre conscience de votre rapport au reste du monde et vous rendre fier de votre appartenance ethnique ou nationale. L’art […] offre une véritable information, un authentique savoir, il soude une communauté et vous donne accès à d’autres sociétés que la vôtre, sans peur de l’inconnu. L’art permet de révérer sans risque la création d’autrui. »
Comme l’écrit très justement E. Anati dans L’art rupestre dans le monde, c’est grâce à leur création, que les artistes ont ouvert une fenêtre sur les paysages de l’enfoui. C’est en créant ces œuvres artistiques qu’ils sont devenus, progressivement, plus pleinement homme.
Ajoutons a ces réflexions une note personnelle : En créant ainsi des chefs d’œuvres inégalées, l’homo sapiens exprimait aussi son désir de changer ou de dominer le monde si hostile dans lequel il vivait. Mais nous ne savons pas comment ont vécu ces artistes : s’ils ont été contesté ? Soutenus, adulés? S’ils ont risqué leur vie ?
2- Que de risques pour ouvrir ces fenêtres
Pour créer une œuvre artistique ou pour mener une lutte pour plus de justice, ou pour avancer une nouvelle vision du monde, de l’homme et de la femme, de la nature, des dieux grâce à une réflexion intellectuelle ou une expérience mystique, il faut être libre intérieurement. L’histoire nous apprend que cette liberté est difficile à acquérir car le degré de liberté intérieure peut beaucoup varier. Est-ce que l’aspect ‘nouveauté’ de l’œuvre d’art n’a pas été exacerbé par l’art contemporain et la particularité de sa quête incessante de marché lié à notre monde contemporain ? De même il y a des ‘visions du monde’ qui peuvent être très conditionnées par des habitudes culturelles alors qu’elles apparaissent neuves.
Si l’homme a su regarder en face ce qui l’obsédait en créant des œuvres ou en faisant des démarches pour bousculer l’ordre établi, c’est bien le signe qu’il ne laisse pas écraser par les questions vitales qu’il se pose. Mais l’histoire nous apprend que ceux et elles qui osent bousculer les habitudes de toute nature et les préjugés de leur société ont souvent payé très chèrement leur audace.
Il a fallu sûrement à ces hommes beaucoup de courage et une grande liberté intérieure pour lutter contre les peurs, les appréhensions, le conformisme… pour ne pas réduire leur vie à ce qui est visible ou au court terme. Il a fallu aussi un génie créateur pour exprimer ce qu’ils portaient au plus profond d’eux, même pour inventer des rites nouveaux, des danses, du rythme et de la musique, du tatouage et de l’habillement, de la peinture, sculpture, mythes, poèmes, contes…. Il a fallu de l’audace pour entraîner un peuple à ne pas se contenter du matériel, pour que les hommes arrachent aux biens pensants plus de dignité, plus de liberté. Le cas de Socrate est très éclairante : On lui a fait boire la ciguë parce qu’il ‘pervertissait la jeunesse’ en l’invitant à toujours questionner tout savoir transmis. Quand on lui demandait au nom de quelle autorité il se permettait ce questionnement, il répondait par une ‘expérience mystique’ mais qui s’exprimait sous la forme la plus traditionnelle pour les grecs : il avait été consulté la Pythie de Delphes qu’il lui avait dit qu’il était le plus sage des Athéniens. Toute sa vie il a cherché à comprendre cet oracle en questionnant la sagesse des autres Athéniens. Affirmer qu’il ne pouvait pas aller contre Dieu, c'est-à-dire contre l’oracle de la Pythie l’a condamné à mort.
Gravures de Marie-Clémentine Marès
mcmares.over-blog.com
3- Bien que dispersé sur les continents,
l’homme enfante l’universalité dans la diversité
Avec ses richesses culturelles et son histoire, chaque peuple continue à approfondir sa quête de sens et sa façon de vivre ensemble. Si chacun évolue sans tenir compte des autres peuples, ou en ayant peur d’eux, on peut craindre un choc des civilisations. Quand l’homme ne reconnaît plus dans l’autre un semblable, il finit par l’éliminer purement et simplement s’il est le plus fort. Pour Gilles Bernheim, grand Rabbin de France, cette méconnaissance est « la première étape du crime.’ (40 méditations juives p.113).
Chostakovitch, compositeur russe reconnu dans le monde entier, a éclairé l’histoire de l’humanité sous un jour nouveau quand il prononça ces mots à l’UNESCO : « Il n’y pas de pays en voie de développement pour les artistes. » Picasso, avec le tableau ‘Guernica’, a crié la révolte de son peuple contre la violence de la guerre ; il pensait que les artistes qui ont peint les parois de la grotte de Lascaux étaient aussi géniaux que les peintres contemporains. Plus tard, alors qu’il se sentait en panne de création, il découvre les masques africains. Et le génie des artistes africains va réveiller son imagination. De même, le peintre Soulage qui a dessiné les vitraux de l’abbaye de Conques, a contemplé, lui aussi les œuvres de la grotte de Lascaux. Il estimait que nous pouvions nous reconnaître comme les cousins de ces artistes de la préhistoire.
Il n’y a pas que les artistes qui font la découverte de l’universalité de l’homme au cœur de la diversité des cultures. La recherche de vérité, la soif de justice, les combats pour le respect de la dignité de chacun quel que soit son statut social, le besoin de faire l’expérience d’une fraternité partagée entre tous, l’envie de partir à la découverte de l’autre différent…, tout cela traverse les temps et les cultures malgré tous les obstacles rencontrés en soi-même ou dressés par sa culture. Dans la vie économique il ne manque pas d’exemples de créations qui ont une dimensions universelle comme, par exemple celle de Yunous et le micro-crédit, de Steve Job et le Iphone…
Qui n’a pas fait l’expérience que les efforts pour ne pas s’enfermer dans son clan, son peuple, sa culture se révèlent au fil du temps, à la fois un véritable combat et en même temps une source d’enrichissement unique ?
« Il y a toujours une dimension mystérieuse du monde et de la vie que la science et la technique n’arrivent pas à abolir.» (Claire Ly La mangrove p. 33)
4- Des membres de l’Eglise
ont aussi pris bien des risques pour rester fidèles à l’Esprit
Le jour de la Pentecôte, debout devant la foule Pierre, profondément bouleversé, cria d’une voix forte : « Ce qui arrive, c’est ce que Dieu avait dit par le prophète Joël : ‘… je répandrai mon Esprit sur toute créature…même sur mes serviteurs et mes servantes, je répandrais mon Esprit… Cet homme Jésus, Dieu l’a ressuscité en mettant fin aux douleurs de la mort, car il n’était pas possible qu’elle le retienne en son pouvoir. » (Actes des apôtres 2, 14 à 25)
Que de risques courus par des pasteurs, des religieux (ses), des laïcs, que d’exclusions et de réconciliations, que de fidélités vécues malgré les tempêtes dans l’histoire de l’Eglise pour qu’au Concile Vatican II l’Église reconnaisse que Dieu ne nous parle pas comme de l’extérieur, mais qu’il est à l’œuvre dans l’histoire des hommes et parle à chacun en ami : « Nous devons tenir que l’Esprit-Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associés au mystère pascal » (L’Église dans le monde de ce temps §22). Jean Paul II prolongera audacieusement ces intuitions. Dans son encyclique Redemptor Hominis (§6), de 1979, il reconnaîtra que ceux et celles qui suivent d’autres voies religieuses que celle du Christ sont animés par l’Esprit de vérité qui travaille en dehors des frontières visibles du Corps mystique du Christ. Dans Redemptoris missio (§28), de 1990, il précisera un point important : l’Esprit se trouve à l’origine de toute quête religieuse authentique, son action ne concerne pas seulement les individus mais aussi la société, l’histoire, les peuples, les cultures, les religions.
Peinture d’Isabelle de Hédouville :
http://isa.dehedouville.f.free.fr
5- L’aventure de parents avec des enfants qui font évoluer la culture
Sylvie et Jacques travaillent tous les deux dans le service public de la santé. Ils sont mariés depuis un peu plus de 20 ans.
- Quand vous vous êtes mariés, vous disiez que vos enfants vous entraîneraient certainement « ailleurs ». Peut-être avez-vous été déçus ?…
- Pas tellement ! D’abord, ils ont des goûts différents des nôtres : ils n’aiment pas travailler avec leurs mains ; un sur quatre aime la littérature et en lit, ce sont des citadins qui n’apprécient pas tellement la nature. Par contre, ils sont à fond dans la vidéo, le multimédia, les feuilletons US à la télé, la culture football… Ça fait drôle, quand ton fils te dit à 3 ans qu’il veut être footballeur professionnel, qu’il persévère, qu’il est doué, qu’il réussit, et qu’à 18 ans il arrête ses études en te disant : « Pourquoi faire des études ? Toi, tu trimes comme un furieux. Moi, je ne veux pas me fatiguer comme ça. Et je gagnerai plus d’argent que toi. » C’est un milieu « bling-bling » où on vit pour le succès personnel, les sorties en boîte, les copines, les belles voitures ; c’est plein de types pas clairs, de « marchands de bétail »… Avec les portables et l’Internet, c’est une rupture culturelle. Ils vivent dans l’instantané, l’immédiat : entre le moment où notre fille aînée a été invitée par sa bande de copains et copines, et le moment où nous l’avons amenée, elle avait envoyé 15 SMS, le lieu de rendez-vous avait changé 5 ou 6 fois, et en arrivant il n’y avait personne : ça avait encore changé : « Mais, Papa, y a pas de problème : je les appelle ! »… Quand ta fille te dit à 13 ans et demi qu’elle veut aller vivre un an en Allemagne pour être proche de son chéri, tu n’en reviens pas… Quand celui qui brille en « prépa » vient te dire que « Non, je ne ferai pas « spé ». C’est trop dur. Il y a trop de pression. Je ne peux plus », une fois de plus, tu avales ton chapeau. Lui trouve une autre voie qui lui convient bien ; et toi, tu t’adaptes. Quelles surprises nous réserve la dernière ?...
- Alors, vous vivez dans l’échec ?
- Mais non ! Nous avons reçu une éducation classique, ou même très normative. Nous les voyons prendre des chemins très différents des nôtres. Tu écoutes, tu t’adaptes, tu apprends à négocier. Tu t’aperçois qu’ils fonctionnent différemment de toi. De temps en temps, ils te surprennent et tu t’aperçois qu’ils ont intégré les valeurs les plus essentielles que nous avions souhaité leur transmettre ; mais il nous a fallu faire un tri dans tout ce qui nous tenait à cœur pour nous attacher à l’important, et les laisser faire leurs choix. Par exemple, dans son milieu, notre footeux passe pour un type correct et bien élevé ; il serre la main aux adversaires quand le match est fini, il s’interpose dans les bagarres… même quand il aurait intérêt à laisser l’autre prendre un carton rouge. Ça nous fait plaisir, même s’il nous faut aussi entendre qu’à 7 ans, il savait déjà simuler une faute pour gagner un match, et que « c’est normal de tirer le maillot, tout le monde le fait, l’arbitre ne peut pas tout voir ». Quel bonheur de le sentir heureux : « A 5 ans, j’allais voir les pros; et là, c’est moi qui y suis. C’est un rêve… »
- Plutôt que d’échec, parleriez-vous de concessions ?
- Même pas. Bien sûr, il y en a, des concessions. Mais c’est autre chose; tu n’es pas frustré. Tu imagines les éduquer, les façonner. Tu découvres que si tu veux bien les laisser grandir à leur façon et faire eux-mêmes leur vie, ils t’échappent complètement. Nous apprenons à être plus tolérants : c’est leur vie, pas la nôtre. Tu les vois grandir. C’est génial, de les voir prendre de la maturité, se « déplier », être en complicité les uns avec les autres en dehors de nous. Parfois, ils se confient, et c’est un moment de bonheur ! En plus, ça t’apprend à « faire avec » des gens que tu apprécies plus ou moins, au travail ou ailleurs.
Au départ, tu es barricadé dans tes certitudes ; puis tu prends du recul. Tu prends ce qui te paraît bon, et tu laisses courir le reste. Nous avons appris à les accompagner sur leur chemin, en essayant simplement de leur donner les valeurs qui nous paraissaient importantes. Finalement, tu t’aperçois que, ce qu’ils font, c’est vraiment eux qui le veulent, qu’ils mûrissent, que tu les aimes tels qu’ils sont, et même que tu es fier d’eux. C’est gratifiant, de réussir ses enfants ; nous avons cette chance-là-.
- Mais c’est une véritable aventure !
Oui. On ne savait pas où on allait s’embarquer, mais on n’aurait jamais imaginé que ce soit à ce point là. Pourtant, dans l’affaire, nous ne nous perdons pas. Au contraire, cela nous grandit, nous nous trouvons nous-mêmes. Tu apprends à regarder les autres pas seulement avec tes normes. Tu apprends l’empathie -on en parle beaucoup en médecine-, la bienveillance, même avec des gens qui ne sont pas de ton style. Tu juges moins en ‘bien et mal’. Avec les enfants mais aussi avec les autres, plutôt que de voir tout ce qui ne va pas, tu te réjouis de ce qu’ils réussissent et tu es mieux dans ta tête. On s’était mis des objectifs, on avait des cadres précis ; plus tard, tu t’aperçois que l’important, c’est qu’ils aillent bien, qu’ils fassent ce qu’ils voulaient faire et qu’ils aient des valeurs importantes.
- Qu’est-ce qui fait la valeur de cette aventure, à vos yeux ?
C’est la relation de personne à personne, la rencontre.
- Et votre foi, dans cette aventure…
Quand j’étais ado, la foi, c’était l’accueil de l’étranger : aujourd’hui, ton enfant n’est pas comme tu le voudrais, comme tu l’espérais. Et puis, quand même, tu lui as appris à regarder le prochain, et pas seulement son nombril. Quant à la foi elle-même, avec la vie qu’on mène, elle n’est pas à l’ordre du jour ; on n’est pas disponibles. La messe…
- Mais pourquoi aller tout de suite dans le religieux ? Accompagner les personnes sans décider pour elles, est-ce autre chose que l’aventure même de Dieu avec les Hommes ? Il « fait avec » ce que nous créons, ce que nous lui offrons, pas avec autre chose : « Tu es béni, Dieu de l’univers, Toi qui nous donnes ce pain, ce vin, fruits de la terre et du travail des Hommes [pas celui des saints, celui des hommes]… ils deviendront pour nous le pain de la vie et le vin du Royaume éternel »… Aujourd’hui, nous croyons) qu’il continue à faire pareil avec tout ce que produisent les hasards de l’évolution de l’univers et des êtres vivants. Quant à Jésus, il se situe au-delà de la « loi » : il ne pose aucun préalable, ni moral ni religieux, à la rencontre des personnes ; et il « fait avec » ce qui se passe dans la rencontre. Votre aventure me semble faire entendre le même genre de musique… Je la crois profondément spirituelle.
- Ah ! Peut-être…
Propos recueillis par Jacques Teissier
Illustration tous droits réservés