Visionnaire de l'invisible
Le Cinéma
L’Apôtre
Réalisateur : Cheyenne Carron
Sortie : 1er octobre 2014
Cheyenne Carron raconte l’histoire d’un jeune musulman qui embrasse la foi chrétienne. Fayçal Safi (à gauche) interprète avec talent Akim, un jeune musulman dont la vie vascille lorsqu’il décide de se convertir au christianisme.
Attention, sujet sensible et délicat, qu’elle aborde avec une grande simplicité. C'est un film courageux qui raconte une histoire atypique : celle d’Akim, jeune musulman appelé à devenir imam, qui voit son identité bouleversée par sa rencontre avec le christianisme.
Rares sont les films qui s'aventurent sur le terrain de la conversion. Pourtant, ce cheminement intérieur ne manque pas de ressorts romanesques. Ce qu'a parfaitement compris Cheyenne Caron en filmant avec grâce les interrogations d'Akim (interprété par le talentueux Fayçal Safi), et avec réalisme les conséquences sociales et familiales de sa nouvelle foi.
Loin de vouloir faire de son long-métrage un « choc des civilisations », Cheyenne Carron délivre un message de tolérance, sans tomber dans l’apologétique. Déjà réalisatrice de quatre films, elle se situe un peu en marge du cinéma français, tant dans ses choix de sujets que dans la manière dont elle produit ses œuvres. « Mes films n'ont jamais reçu d'aide du CNC, ni des régions. Je les ai faits chacun avec moins de 50 000 € », explique-t-elle dans le dossier de presse. Elle a pu financer son film de façon assez particulière. Elle l’explique elle-même : « Un jour, en marchant dans la rue, j'ai vu la couverture du magazine Challenge, avec le classement des personnes les plus riches de France, raconte-t-elle. J'ai acheté le magazine, j'ai pris les dix premiers sur la liste. Et j'ai écrit la même lettre à tous en leur expliquant avoir besoin d'un peu d'argent pour faire un film. Huit mois après, j'avais l'argent. » Elle ne souhaite pas dévoiler l'identité de son mystérieux mécène. Si « l'Apôtre » n'est, malheureusement, diffusé en salle que sur quatre copies, il est déjà en précommande sur le site officiel de Cheyenne Caron.
Dans ‘’Paris Notre-Dame’’, le bulletin hebdomadaire du diocèse de Paris, Ariane Rollier a réalisé une interview très intéressante de la réalisatrice : ‘’Ce film est inspiré d’un fait divers que j’ai vécu lorsque j’avais 19 ans : l’assassinat, par un jeune musulman de la sœur du prêtre de mon village. Au lieu de s’en aller, ce prêtre a décidé de rester dans le village. Cette façon de réagie a été une claque pour moi. Par cette réalisation, j’ai voulu rendre hommage à ce saint anonyme et à sa sœur, une femme très généreuse.
La trame du film est la quête de cette foi dans une religion qui n’est pas la sienne. C’est un cheminement avec un vrai combat intérieur. Il n’est pas simple de changer de religion : le héros se trouve tout à tour en proie à la culpabilité et au désir absolu d’aller vers le Christ. Il est tiraillé entre ce sentiment de traitrise vis-à-vis de sa tradition et de sa famille et cette attirance pour la religion catholique, cet amour impossible. Dans l’Islam, renier sa foi est synonyme d’apostasie.
Jusqu’ici, il n’y avait pas eu de film sur ce sujet dans la mesure où la conversion est un interdit de la religion musulmane. Il fallait donc du courage pour briser un tabou. J’ai pris un risque en le réalisant. Mais il me semble tellement insignifiant par rapport à l’hommage que je souhaitais rendre à mon curé de campagne ! J’ai choisi ce nom ‘’L’apôtre’’ car l’apôtre est celui qui témoigne de sa foi, qui transmet la Parole à l’autre… Les comédiens musulmans ont bien défendu leur rôle et semblent avoir bien vécu le film. Pour moi, ce serait formidable s’ils étaient les précurseurs d’un débat, au sein de leur religion, sur la tolérance, la conversion, le respect de la différence et l’amour du prochain’’.
Le film s'offre tel qu'il est, tout simple dans sa forme, mais si vrai et finalement si beau dans ce qu'il montre de l'homme qu'on se prend à espérer la possibilité d’une vraie rencontre interreligieuse avec les hommes et les femmes de bonne volonté.
Jean-Claude D’Arcier - octobre 2014
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