Visionnaire de l'invisible
Le Cinéma
François Truffaut, l’homme qui aimait les films
Jules et Jim
Réalisateur : François Truffaut
Sortie : 1962
Jules, étudiant autrichien et Jim, étudiant français, se lient d'une amitié profonde. Ils rencontrent Catherine. La jeune fille tombe amoureuse des deux garçons sans pouvoir choisir. Traversant cette « belle époque » avec les mêmes goûts artistiques, littéraires et féminins, Jules et Jim échangent leurs poèmes, partent ensemble dans le midi méditerranéen et découvrent dans un champ de fouilles une statue dont le sourire les bouleverse et qu'ils retrouvent avec émotion, l'un et l'autre, dans le sourire d'une jeune femme rencontrée par hasard, Catherine. De son côté, Catherine, devenue la compagne des promenades de Jules et Jim, aime les deux garçons. Elle épouse l’un, Jules, sans jamais se détacher de l'autre, Jim, allant de l'un à l'autre au gré de son caractère fantasque et passionné. La guerre éclate. Jules et Jim, dans leurs tranchées respectives, continuent douloureusement de vivre leur amitié. La paix revenue, Jules et Catherine vivent en Autriche, dans un chalet, au milieu de l'alpe et de la forêt. A l'appel de Jules, qui l'invite à vivre auprès d'eux, Jim quitte Gilberte, une amie d'enfance et accourt auprès de ses amis. Jim constate que l'amour a déserté le foyer de Jules et Catherine. Seule une petite fille de cinq ans les rapproche. Inconstante, insatisfaite, Catherine a eu des amants. Catherine devient la maîtresse de Jim et désire un enfant de lui. Jules souffre mais, par faiblesse, par un amour dénué de toute dignité à l'égard de sa femme, il se résigne à une situation intolérable. Brouilles et réconciliations entre ces faux et vrais ménages se succèdent à un rythme diabolique. L'amitié de Jules et Jim survit pourtant à de tels assauts. Les années s'écoulent. Au cours d'une excursion en France, Jim et Catherine trouvent la mort dans un accident d'auto qui pourrait être un suicide. Ils sont incinérés au cimetière du Père Lachaise. Et Jules les pleure.
Arts - « Le style, ou plutôt le ton Truffaut, qui trouve avec Jules et Jim sa parfaite expression, est composé de tendresse (…). A cette tendresse et à cette pudeur s’ajoutent un goût et un sens très vifs de la liberté, qui n’est pas seulement liberté dans les rapports humains mais liberté esthétique – encore que la volonté de discrétion formelle, sans doute pour respecter celle-là même du style d’Henri-Pierre Roché, incite Truffaut à dominer sa virtuosité : montage fluide, caches isolant soudain avec désinvolture le détail à voir, insertion de sous-titres, brève fixité de l’image suspendant, l’instant d’un soupire, une attitude ou une expression privilégiée ». [S.N.], 06.02.1962
Démocratie 60 - « Jules et Jim, ce n’est pas seulement une belle histoire d’amour qui dépasse la notion étriquée du couple, ce n’est pas seulement un pur amour à trois avec sa morale esthétique (…), c’est aussi la peinture d’une amitié exceptionnelle, délicate, d’une amitié qui résiste à tout, à la séparation, à la guerre (…), à l’usure du temps, à l’amour qu’ils éprouvent l’un et l’autre pour cette femme tyrannique, égoïste, attachante, sincère, qui va de l’un à l’autre (…). Ce film d’une extrême tension, qui évolue en équilibre sur la corde raide, possède un incontestable pouvoir d’envoûtement. La première partie, pleine d’humour et d’ellipses, est exactement brillante ; la deuxième partie, traitée en profondeur, permet à Truffaut d’affirmer avec maîtrise sa sensibilité et sa tendresse, aussi regrette-t-on la fin du film qui rompt l’équilibre maintenu jusque-là. ». [S.N.], 01.02.1962
Le Figaro - « Une musique pimpante imprime à Jules et Jim un mouvement sautillant, transforme en comédie amère ce qui pouvait tourner en drame noir. Cynisme, insouciance abandon à la fatalité : il y a de tout cela (…). Un grand film ? Non, ce n’est pas un film éclatant dont les qualités plastiques puissent éblouir. Mais une œuvre faite avec ferveur, qui surprend et qui touche. Intérim, 01.02.1962
Le Monde - « Tendresse. C’est en effet une des clés du film. Tendresse de l’amitié virile. Tendresse de l’amour, jusque dans le chaos et ses désordres. Deux hommes (…), aiment une même femme sans que leur amitié ne soit atteinte (…). Dans notre géométrie morale conventionnelle, une telle situation ne peut engendrer que laideur, sottise et vulgarité. Disons que la géométrie morale de Jules et Jim est une géométrie non euclidienne. Le film de Truffaut est le contraire d’un film scabreux, d’un film bien parisien. Jules et Jim ne sont en aucun moment ridicules et, s’il arrive à Catherine d’être irritante, elle n’est jamais odieuse. Une sorte d’innocence, de pureté foncière, les préservent, tous les trois, de la bassesse. Quoi qu’en puissent penser les hypocrites, leur histoire est une belle et douloureuse histoire d’amour. ». Jean de Baroncelli, 27.01.1962
Jean-Claude D’Arcier - Novembre 2014
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