Incarner l'humain dans le monde d'aujourd'hui
Une urgence absolue
Robert Pousseur
100 pages
(The Book Edition - 2019)

Présentation du livre par
Jacques Teissier d’Arts-Cultures-Foi de Nîmes

Où allons-nous ? Qu’elle soit technique, financière ou administrative, la technocratie régnante tend à devenir une norme. Et l’Homme étouffe. La planète aussi. L’Homme ne serait-il qu’une machine ? N’est-il pas aussi un « cœur », un cœur qui, justement, fait de lui un humain ? Il ne manque pas de voix autorisées, venant de tous horizons, pour nous alerter. Laisser se dissoudre le sens de l’humain risquerait fort de nous conduire vers un « Meilleur des mondes »… en pire ! Il y a « urgence absolue », nous dit Robert Pousseur. Ce ne sont probablement pas les « Gilets jaunes » de la première heure qui le contrediraient…

Tout à fait dans l’esprit des évangiles, justement, c’est aux côtés des gens « ordinaires », plutôt que des gens de pouvoir, civils ou religieux, que nous sommes invités à déceler la présence de ce cœur qui fait de l’Homme un humain. L’intuition est lumineuse. L’humanité de ces personnes saute aux yeux. Nul besoin de la moindre démonstration. Raison de plus pour chercher à « Incarner l’humain dans le monde d’aujourd’hui ». Mais comment s’y prendre ?...

À l’heure où l’attente de sens, l’attente spirituelle, est forte, et où les religions soulèvent tant de défiances, ce petit bouquin a l’audace de relever un défi : le Christ des évangiles, déjà vieux de quelque 2.000 ans, peut-il contribuer à raviver notre sens de l’humain, à le renouveler ? Contribuer à nous donner le goût d’œuvrer dans ce sens pour sauver de la catastrophe ce monde nouveau qui est en train d’émerger, avec ses distorsions mais aussi ses richesses, ses potentialités, et qui tour à tour nous déconcerte, nous emballe ou nous inquiète ?

Dans le style qui est le sien et qui fourmille de belles intuitions spirituelles, l’auteur nous ouvre des horizons suggestifs qui, sans nous rassurer à bon compte par quelque « Sirop Typhon », alimentent une grande espérance. Essentiellement en compagnie de l’évangéliste Luc, nous sommes invités sur les pas accidentés de Jésus et de l’Église naissante, à toute une promenade, assez libre, assortie de quelques va-et-vient. Ce n’est pas désagréable car on ne cesse de glaner, de-ci delà, de belles intuitions humaines et spirituelles. Parmi bien d’autres perles, je soulignerai une lecture fort suggestive, simple et assez neuve, des trois « tentations » de Jésus dans le désert.

Un peu comme on le fait lors d’une ballade dans une belle nature, il vaut la peine de se laisser porter. Non en cherchant un enseignement méthodique. Encore moins en espérant des solutions toutes faites. Mais en laissant retentir en soi tel ou tel de ces mots, de ces phrases, de ces points de vue, de ces intuitions qui vous mettent en route intérieurement et vous déplacent… Il serait surprenant qu’un lecteur ou une lectrice ne trouve pas dans ce récit au moins quelques traits de lumière capables de lui ouvrir des perspectives d’humanité, de lui nourrir le « cœur ».

Et s’il n’y avait qu’une chose à retenir de ce parcours, ce serait certainement ce que j’appellerais un sain réalisme. Il n’y a pas à rêver d’un monde différent de celui qui est le nôtre, avec ses complexités et ses diversités, si inquiétant qu’il puisse être ou devenir. Il s’agit d’habiter notre monde tel qu’il est. Non pas en se voilant la face. Non pas avec résignation. Pas davantage en rêvant. Mais dans une indéracinable espérance au service de l’humain : cette espérance qui trouve sa source dans le cœur humain, un cœur qui se sait follement aimé, quoi qu’il puisse arriver. Peut-être ne sommes-nous pas au bout de nos surprises…

Jacques Teissier : jmontpezat@gmail.com
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