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Visionnaire de l'invisible
Le Cinéma

 

Sud Eau Nord Déplacer
Réalisateur : Antoine Boutet
Sortie : 28 janvier 2015

 

 

Affiche du film  "Sud Eau Nord Déplacer"

Le ‘’Nan Shui Bei Diao’’, traduit littéralement ‘’Sud Eau Nord Déplacer’’ constitue le plus important transfert d’eau qui fut jamais effectué dans le monde, du Sud vers le Nord de la Chine. Conçu en 1952, cet énorme chantier, est un projet très controversé, qui a été imposé par les autorités gouvernementales et qui ne fut approuvé qu’en 20O2. ‘’Outre les problèmes environnementaux et les bouleversements opérés par ces travaux, commente le réalisateur, se pose un problème social avec un exode massif de population’’. Trois voies d’adduction d’eau sont en construction, totalisant un parcours de milliers de kilomètres, qui ont entrainé le déplacement de 350.000 personnes. La redistribution des terres est incohérente, les migrants –essentiellement des paysans- se voyant attribuer des lots souvent inexploitables. Ces gens se plaignent en outre de n’avoir pas perçu les compensations financières promises.

Sur les traces de ce chantier gigantesque, le film dresse une cartographie mouvementée d’un territoire d’ingénieurs et de créateurs, où le ciment recouvre les plaines, où les fleuves changent de lit et les déserts deviennent des forêts, mais surtout où progressivement des voix s’élèvent pour réclamer la justice et le droit à la parole. Ce film, politiquement engagé, Sud Eau Nord Déplacer fut présenté au Festival de Locarno en 2014.

Avec une superficie de 9,6 millions de km2, la Chine dispose de ressources en eau considérables. Mais compte tenu de l’importance de sa population – 1,3 milliard d’habitants en 2013, soit près d’un cinquième de la population mondiale – les disponibilités en eau par habitant s’avèrent très limitées, atteignant à peine un quart de la moyenne mondiale. Selon les Nations Unies, la perspective de très grandes pénuries d’eau est aggravée par une urbanisation trop peu contrôlée et un développement du pays trop exclusivement économique.

La répartition très inégale des ressources en eau sur le territoire pose de graves problèmes pour le développement durable du pays. Le manque d’eau dans les villes est surtout notable en Chine du Nord, à Pékin notamment. Face à l’insuffisance des ressources en eau, se pose la question de l’amélioration de leur gestion et, notamment, de la lutte contre la pollution et le gaspillage en milieu rural et urbain. Au-delà de la gestion de l’eau sur son propre territoire, la Chine doit aussi compter avec les besoins croissants de ses voisins. De nombreux fleuves d’Asie du Sud prennent leur source sur le plateau tibétain, surnommé ‘’le château d’eau de l’Asie’’. La question se pose de savoir si le développement du géant chinois se fera aux dépens de ses voisins, avec pour conséquence des tensions politiques majeures au sein de la région. En 1952, Mao Zedong avait proposé de transférer l’eau du Sud vers le Nord de la Chine. Ce projet fou, largement controversé et très tardivement approuvé, ambitionne de totaliser un débit annuel de 45 milliards de m3 d’eau douce.

Que représente un tel chiffre ?
Le Yangtze charrie près de 960 milliards de m3 en une année ‘’normale’’, mais peut descendre jusqu’à 760 milliards de m3 dans une année de sécheresse. Or la Chine a une dépendance climatique très importante et il est donc probable que la déviation des eaux augmentera les risques de sécheresse pour les zones environnantes. Les conséquences environnementales pour les régions du Sud – à l’intérieur comme à l’extérieur du territoire chinois – demeurent une inconnue difficile à estimer précisément. Outre les problèmes environnementaux, se pose un problème social, avec un déplacement massif de population. Des migrations forcées, ont été décrétées au somment du Parti, sans consultation préalable. Il se pose aussi un problème de droit car les populations expulsées de leurs maisons se plaignent que l’argent qui leur avait été promis ne leur est pas versé. Aucune structure indépendante du PCC, qui compte 80 millions de membres, n’est prévue pour recevoir leurs plaintes. La corruption gagne tandis que les relais locaux du pouvoir central ne sont pas inquiétés. La redistribution des terres aux migrants ne se fait pas de manière juste. Le désert resurgit autour de ces villes fantômes en devenir, pourtant nouvellement construites. Aujourd’hui, le modèle de développement en Chine se fonde essentiellement sur le PIB et ignore toute autre composante. Le respect de l’environnement est tout au plus secondaire ou factice, quand il n’est pas purement et simplement ignoré. La fin des travaux est prévue en 2050 et coûtera 80 milliards de dollars.

 

"Sud Eau Nord Déplacer"

Dans la fiche proposée par le Centre National du Cinéma, Antoine Boutet s’explique sur son film :

‘’Qu’est-ce qui vous a amené à ce projet ?
Dans ce film, je cherche à montrer comment on se retrouve dans un environnement déstabilisant, où la matière du paysage devient la matière du film pour, petit à petit, se rapprocher des hommes qui y vivent.

La folie, la démesure semble faire partie de vos obsessions...
S’il y a folie, elle est politique. Ce grand projet m’intéresse par sa démesure. Mais c’est plus un sentiment d’absurdité, de non-sens dans la manière d’envisager l’avenir. Politiquement, il y a des conséquences à élaborer de tels projets qui remodèlent les paysages et déplacent les populations, avec une rentabilité improbable. Le film questionne la manière dont un pouvoir l’impose, en l’enrobant de slogans grandiloquents.

Sud Eau Nard Déplacer joue beaucoup sur les contrastes, entre le caractère minuscule de l’homme et d’imposantes machineries, entre le désert et l’eau. Est-ce l’un des points de départ du projet ?
Le rapport d’échelle décrit bien la place de l’individu dans le système chinois : on ne s’oppose pas au pouvoir d’État. Dompter les fleuves, organiser la nature, c’est tenir le pays. Le contraste est partout, c’est fascinant et éprouvant. L’eau et les arbres pour contrer le désert, la campagne sacrifiée pour la ville, etc. Le film fait l’état des lieux d’un pays qui se transforme en laissant volontairement une empreinte indélébile.

Il se situe au moment-clé des chantiers qui entérinent une décision politique. On ne peut plus reculer et c’est un saut dans l’inconnu. La population doit suivre. Mais ce rapport d’échelle vient aussi de mon propre isolement, lors du repérage et du long travail de terrain, pour définir ce que deviendrait ce film.

Vous montrez d’un côté, des projets de grande envergure et de l’autre, des prises de parole qui s’y opposent. Entre les deux, aucun espace de rencontre ni de dialogue…
C’est bien cet espace qui manque et qui autorise tous les excès… Mais on sent une opposition constructive dans le film, même s’il ne s’agit encore que de quelques individus. J’ai découvert des acteurs dans cette société civile qui agit comme un contre-pouvoir ; cela a orienté le film vers des rencontres. Cela crée un équilibre. J’aimerai que le film puisse lui-même servir cette agora naissante.

Comment avez-vous choisi vos interlocuteurs ?
J’avais éprouvé dans un précédent film en Chine les limites de la seule observation, qui permet de suggérer beaucoup de choses, de raconter autrement, mais on reste en retrait. La parole s’est imposée. Cette fois, j’ai rencontré des personnes qui ouvraient des perspectives, leur parole éclaircissait ma perception. Les écouter, c’est montrer la complexité de la situation, c’est aussi un élément qui s’oppose au reste du film, à la froideur des paysages hydrauliques et à la rigidité du système politique. J’espérais ces rencontres, elles sont arrivées à la fin.’’

Tandis que la nature est bouleversée et que les habitants s’alarment, un paysage de science-fiction se recompose. Certes, un problème crucial est posé, mais un peu plus de poésie l’aurait sans doute rendu plus abordable.

 

 

 

Claude D’Arcier - février 2015

 

 


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