L'Église de notre temps à l'écoute des artistes en Arts plastiques
Deadline… exposition au musée d’Art Moderne de la ville de Paris
‘Les artistes changent de relation au monde,
à eux-mêmes et à leur œuvre
dès le moment où l’irrévocabilité de la fin se profile à un horizon proche.’
O. Burluraux, commissaire de l’exposition.
L’exposition Deadline présentée au musée d’Art Moderne de la ville de Paris (fin 2009 - début 2010) proposait une sélection d’œuvres d’artistes disparus il y a peu. Ils étaient conscients de l’approche de la fin. Ils ont eu le courage de jeter un regard lucide sur eux et le monde. Leur audace a bouleversé leur création, atteignant parfois une plénitude qui les a surpris eux-mêmes, comme si la vérité de leur existence s’exprimait dans leur œuvre.
Il est étonnant de voir combien ils ont été stimulés par cette approche. Cette proximité a été d’une fécondité extraordinaire. Il ne s’agit donc pas d’une exposition du morbide mais un hymne à la vie. Ils ont célébré la vie sans biaiser avec la mort.
L’urgence pour eux était de garder une liberté d’expression étonnante, essentielle pour eux, en se souciant moins de la rigueur dans la forme. Je pense à Hartung, considéré comme une figure majeure de l’abstraction qui a eu un AVC à 82 ans. En quelques mois, à l’aide d’assistants, il a peint quelques 1000 tableaux comme si la perspective de la mort avait décuplé sa capacité créatrice.
Atteinte d’une tuberculose aiguë, Hannah Villiger est soignée dans un isolement total. Elle observe son corps qui se dégrade. Elle se photographie à l’aide d’un polaroïd pour se montrer à elle et aux autres qu’elle est bien vivante : « Je me regarde en train d’être détruite par la maladie. »
Absalon, diagnostiqué séropositif, ‘construit’ des cellule sous forme de maison pour y installer son corps. Il ne voulait pas déposer son corps dans un tombeau mais dans un lieu de vie.
L’œuvre exposée de James Lee Byars est une chambre dont les murs sont recouverts de feuilles d’or et un corps repose sur le piédestal installé au cœur de cette chambre. Le visiteur est comme attiré à l’intérieur de cette chambre. Cette impression résume bien ce que l’on ressent à la fin de l’exposition. Il ne s’agissait pas pour ces artistes de faire leur testament par une création artistique mais d’exprimer leur vision de la vie, une lumière attirante, alors qu’ils ont conscience qu’ils n’ont plus guère de temps à vivre.
Grâce au génie de ces artistes, cette exposition exprime une des grandes préoccupations sourdes de notre époque, non pas la révolte devant la mort collective comme celle dû à un génocide ou une catastrophe naturelle mais la préoccupation angoissante de l’approche de sa propre mort. Ils ne parlent pas d’une façon claire de l’au-delà mais ils ont conscience non seulement de l’urgence de laisser des traces mais ils ouvrent une perspective qu’ils ne nomment jamais.
Notre société qui n’attend pas grand-chose des malades, handicapés, de ceux qui voient la fin de leur existence approcher a beaucoup à recevoir de cette exposition. Elle met en relief qu’à tout moment de la vie, l’homme peut créer et dire un mot qui donne sens à la vie.
Jacques Faujour
Paris - Musée d’Art moderne - 16 octobre 2009 – 10 janvier 2010
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