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Les Bouleversements culturels

Texte de référence

 

Pour une création nouvelle - © Virginie Lecomte

Les crises culturelles contemporaines
Sous le signe de la relativité


1 - Une description de la culture

 

Vers le 2ème chapitre

 

De quelle Culture parlons nous ?

Il s’agit évidemment de culture au sens des sociologues et non au sens des « milieux de la culture ». En 1982, l’UNESCO en a officiellement donné une intéressante description, très large :
« Dans son sens le plus large, la culture peut être aujourd’hui considérée comme l’ensemble des traits distinctifs - spirituels et matériels, intellectuels et affectifs - qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. La culture donne à l’Homme la capacité de la réflexion sur lui-même. C’est elle qui fait de nous des êtres spécifiquement humains, rationnels, critiques et éthiquement engagés. (…) C'est par elle que l'Homme s'exprime, prend conscience de lui-même, se reconnaît comme un projet inachevé, remet en question ses propres réalisations, recherche inlassablement de nouvelles significations et crée des œuvres qui le transcendent. »
En 1965, le concile Vatican II se situait lui aussi dans cette ligne : « La culture désigne tout ce par quoi l'Homme affine et développe les multiples capacités de son esprit et de son corps. » (G S n°53)

 

Quelques signes de crise culturelle

Aujourd’hui, beaucoup sont

- marqués par une mondialisation qui soude l’humanité et risque en même temps d'écraser toute culture originale ;
- anxieux de ce pourrait devenir une société où des cultures et des religions diverses viennent soudain se brasser avec le fond culturel et religieux habituel. Intégration ? mais qui devrait intégrer qui… Communautarisme ? Mais où conduirait pareille juxtaposition… Explosion en vue ? Éclatement ? Le multiculturalisme est-il vraiment vivable ? Quel vivre ensemble pour aujourd’hui ?
- prisonniers des mécanismes financiers impitoyables d’une économie planétaire qui sert ses dirigeants et instrumentalise l’Homme, dont l’existence alors ne fait plus sens ;
- déracinés de leurs terroirs traditionnels par une urbanisation galopante et, plus encore, par les réseaux de relations et d'activités « hors sol » permis par les nouvelles technologies de communication et de transport ;
- fascinés par toute la puissance de nos techniques qui triomphent de bien des obstacles à l’épanouissement de l’Homme, mais inquiets des déséquilibres majeurs - écologiques, économiques, sociopolitiques - que notre puissance risque aussi d'engendrer ;
- façonnés par un individualisme qui donne de la valeur à chaque individu, mais prend en même temps un visage narcissique qui émiette la société ;
- interrogés par un féminisme qui, dans les pays de tradition musulmane, ose prendre la parole, souvent avec beaucoup de courage, tandis que les perspectives du gender viennent brouiller leurs repères classiques ;
- marqués par l'émergence de l'Inde, de la Chine, du Brésil qui vient bouleverser notre paysage économique et politique…
- inquiétés par le terrorisme, par des quêtes d’identité et des antagonismes sans merci…

Beaucoup ont ainsi le sentiment que nous sommes pris dans une crise culturelle majeure, même si ses contours, ses significations, ses risques et ses promesses sont encore difficiles à cerner. Chez nous, le désarroi des politiques et l’écho trouvé par le populisme de type lepéniste sont bien significatifs d’un état de crise.

Mais qui dit « crise » dit-il forcément catastrophe ?

 

Vous avez dit : « crise » ?

L’existence même d’une crise ne devrait pas trop nous étonner. Le « Grand récit » de la formation du cosmos - dont l’apparition de notre terre et l’évolution des êtres vivants sur cette terre- nous montre cette cosmogénèse comme une émergence aléatoire, qui ne cesse de traverser mille et une « crises », des crises parfois irrémédiablement destructrices (cf. l’explosion cataclysmique des supernovae, l’extinction des dinosaures ou la disparition de la formidable culture de l’Égypte antique). C’est dire que, dans nos crises actuelles - dont les crises culturelles -, nous devons nous garder du catastrophisme et que, tout en essayant d’être lucides sur ce qui peut se détruire et sur les risques encourus, il nous faut rester à l’affût de ce qui est peut-être en train de naître de nouveau, de bénéfique, d’humanisant.
En ce qui concerne spécifiquement les crises culturelles de l’humanité, il me semble qu’elles sont provoquées par l’émergence d’une nouveauté d’ordre culturel qui vient perturber et remettre en cause – c’est-à-dire mettre en « crise » - un consensus culturel largement établi.        Ces nouveautés peuvent être fort diverses, et en même temps s’entrecroiser.

Par exemple :

- l’émergence de nouvelles sensibilités. (cf. revendication de la liberté de conscience ; cf. Roy Lewis Pourquoi j’ai mangé mon père ; cf. les revendications féministes ; cf. le désir de décider soi-même des début et fin de vie : contraception, PMA, GPA, IVG, euthanasie ; cf. la religion discréditée en tant que source de violences) ; ou encore l’apparition de situations nouvelles (cf. le brassage de cultures et de religions différentes sur un même espace et au sein d’une même nation) qui viennent bousculer les mentalités ;
- l’apparition nouveaux savoirs (cf. les découvertes de Galilée, de Darwin, d’Einstein ; cf. la découverte des richesses de cultures prétendues « primitives », même préhistoriques)
qui viennent remettre en cause une vision du monde ;

l’acquisition de nouveaux pouvoirs dont la mise en œuvre, est loin d’être évidente

(cf. la biologie moléculaire, le diagnostic prénatal, l’Homme bionique, l’énergie atomique ; cf. l’exploitation des forêts primaires ou des gaz de schistes ; cf. Internet et les piratages), ce qui engendre des incertitudes, des inquiétudes sourdes et suscite d’âpres débats : que faire ? y a-t-il des limites ? et si oui, où les placer ?
- l’expérience des effets pervers d’une réalité nouvelle jusqu’ici considérée comme un grand progrès (cf. le triomphe de la raison… n’en a pas moins engendré les illusions du scientisme, les idéologies meurtrières du nazisme et du communisme ; cf. le triomphe de la science et des techniques… n’en a pas moins engendré les périls de la bombe atomique et de la crise écologique ; cf. la prospérité matérielle créée par le libéralisme économique… n’engendre pas moins des disparités scandaleuses et, pire encore, une chosification de l’humain ainsi qu’un transfert du pouvoir des peuples vers la loi du marché et de la finance ; cf. la liberté de conscience qui se mue en individualisme), qui engendre scepticisme, méfiance, désengagement.

Bien des phénomènes actuels peuvent être vus à travers le prisme d’une crise culturelle :

- Aujourd’hui comme toujours, les réalités humaines sont à la fois mouvantes et ambiguës, c’est-à-dire jamais figées et toujours susceptibles d'apporter des améliorations aussi bien que des ravages (cf. le brassage des cultures et des religions qui peut se retourner en choc des civilisations).
- L’inédit de notre époque tiendrait plutôt, me semble-t-il, à deux faits : d’une part les nouveautés culturelles sont particulièrement critiques, tant elles sont rapides, radicales et de portée universelle ; d’autre part en devenant conscients des processus de genèse culturelle comme inhérents à la condition humaine, nous cherchons à les conduire, sinon à les maîtriser ; mais le chemin n’est pas balisé.

Dans le prochain article, je me centrerai moins sur une description des crises culturelles, simplement évoquées, que sur leurs sources culturelles profondes ; il me semble que c’est la meilleure manière de les comprendre, d’en mesurer la portée, et de les assumer.

 

J. Teissier Conférence donnée au Cercle Condorcet, Nîmes, 7 novembre 2013

 

Vers le 2ème chapitre

 

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