Visionnaire de l'invisible
Le Cinéma
L’Homme du peuple
Réalisateur : Andrzej Wajda
Sortie : 19 novembre 2014
Profondément marqué par la révolte ouvrière réprimée par le régime communiste polonais en 1970, Lech Walesa occupe le devant de la scène une dizaine d’années plus tard. En effet, cet électricien syndicaliste se retrouve à la table des négociations lors des grandes grèves qui ont éclaté au cours de l’été 1980. Grâce à son charisme, à son franc-parler et à ses positions modérées, le président-fondateur de Solidarnosc est amené à jouer un rôle de premier plan dans la politique polonaise et internationale, devenant un symbole majeur de la lutte contre le communisme.
Personnage historique décisif à la fin du 20° siècle, Lech Walesa est un ami personnel du célèbre réalisateur Andrzej Wajda. Certains y verront l’explication du fait que L’homme du peuple ne met pas en lumière certaines zones d’ombre de la vie de Walesa ; mais il faut noter que les polémiques dont il a été l’objet étaient alimentées par des opposants conservateurs. Ce syndicaliste devenu politicien a obtenu le prix Nobel de la paix en 1983 et il a été le premier président élu après la chute du régime communiste en Pologne.
Comme l’écrit le rédacteur de la fiche-cinéma de l’Obs n° 2610, ‘’Du prolétariat à la présidence, Andrzej Wajda retrace l’histoire magnifique de Lech Walesa, l’homme qui a permis de faire basculer le destin de la Pologne. Ce petit électricien de Gdansk est l’incarnation de tout un peuple : il a su rassembler et unir la Pologne contre un régime d’oppression que personne ne pensait si fragile.’’
L’homme du peuple est le 35° film d’Andrzej Wajda. Il a vu son pays deux fois dépecé, une fois par les nazis et une fois par les Russes. Il retrace le parcours de Walesa, porté par un espoir fou et un grand courage. Il complète ainsi sa célèbre trilogie, commencée avec L’homme de marbre en 1977 et poursuivie par L’homme de fer en 1981. Fils d’un officier massacré par les Rouges, Wajda a livré un combat artistique non moins dangereux.
Le film intercale habilement des documents d’époque et des scènes reconstituées. Walesa, au début, est motivé par ses indignations ; au fil des combats, il apprend à prendre des décisions politiques réfléchies. Rien n’abattra la volonté de ce héros de la rue, que Wajda montre tel qu’il est, avec ses emportements, ses contradictions, mais surtout son charisme. Walesa est soutenu par la présence inflexible de sa femme Danuta, que l’on sent présente à ses côtés avec ses enfants.
Ce qui frappe aussi dans le film de Wajda, c'est sa fidélité à la personnalité contrastée de Lech Walesa et au sens de son combat, et donc aussi à la convergence qui exista entre les deux. Devant le Congrès américain, Walesa peut proclamer: «Je suis un simple ouvrier sans complexe envers les généraux, les Premiers ministres ou vous-même.» On est obligé de le croire car il a toujours agi ainsi. Si Wajda montre largement l'homme privé, c'est précisément pour faire voir qu'il n'y a pas deux Walesa. L'ouvrier et le mari, le père et le politique ne font qu'un. C'est bien ce qui a toujours étonné ses interlocuteurs, dans un monde politique où la perte de contact avec la réalité est trop souvent la règle. Appuyée sur une telle personnalité, la leçon suprême de L'Homme du peuple, c'est le caractère déterminant de la pâte humaine dans le cours de l'histoire. L'histoire, au fond, ce ne sont que les hommes.
Ce film sonne juste et Wajda, à 88 ans, pense toujours que le cinéma peut être une arme, utile pour changer le monde. Voici une page épique de l'histoire polonaise. Un exercice d'admiration qui est aussi une leçon de liberté.
Claude D’Arcier - Janvier 2015
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