Visionnaire de l'invisible
Le Cinéma
Saint Amour
Réalisateur : Benoit Delépine et Gustave Kerven
Sortie : 2 mars 2016
Comme tous les ans, Bruno et son père, Jean, sont au salon de l’agriculture. Alors que Jean présente son taureau champion, Nabuchodonosor, Bruno, rebelle, en profite pour faire une ‘’route des vins’’, toute personnelle avec son copain. Jean comprend que la communication avec son fils ne passe plus depuis la mort de sa femme : il décide d’emmener Bruno faire une véritable route des vins afin de se rapprocher de lui. Ils commandent un taxi, conduit par le jeune Mike. Ils débutent leur périple et font bientôt halte dans une maison d’hôte, tenue par un étrange personnage. Ils trinquent au Saint-Amour et trinqueront bien vite aussi à l’amour tout court. Un peu plus tard, Mike leur explique comment manger gratuitement dans un hôtel… Le titre du film tire son nom d’un des meilleurs vins du Beaujolais. Les réalisateurs nous emmènent dans de magnifiques vignobles, situés dans les diverses régions de France. Au départ, ils souhaitaient réaliser un film qui serait entièrement tourné au salon de l’Agriculture, mais l’autorisation leur ayant été refusée, ils ont dû retravailler complètement le scénario et le casting.
Gérard Depardieu et Benoit Poelvoorde campent deux paysans, un père bosseur et son poivrot de fils qui font concourir leur taureau au Salon, puis décident de partir faire la route des vins en taxi. Leur voyage, auquel participe activement leur chauffeur (interprété par Vincent Lacoste) est parsemé de ballons de rouge descendus ‘’cul sec’’ et par de belle figures féminines, jouées par Céline Sallette, Ana Girardot et Solène Rigot. Dans leurs rôles d’épicuriens un peu dépressifs, Depardieu et Poelvoorde imposent leur jeu et leur présence démesurée, devant laquelle Laurent Lacoste a, par moments, un peu de mal à trouver sa place.
Depuis leur film Mammuth (2010), les réalisateurs construisent leurs films à partir de la personnalité des acteurs et des particularités de leur jeu pour faire leur critique de la société. Avec Saint Amour, ils poussent le principe en construisant le film autour de l’image de gros buveurs des deux acteurs :’’Plus que leur image publique, c’est le caractère fort des gens qui nous intéressent’’.
Quant à Vincent Lacoste, révélation des Beaux gosses (2009), il a fait de sa nonchalance un art de jeu. A 22 ans, il poursuit sa route avec une belle présence. Il dit dans une conversation : ‘’On commence à me proposer d’autres rôles que celui de jeune parce que je suis jeune. Je ne réfléchis pas en terme de rôle mature ou pas ; ce que je veux, c’est faire de bons films…’’ Ce film, d’une tonalité joyeuse et enlevée, fourmille de belles idées, au premier rang desquelles on peut mettre celle de ce propriétaire de gîte, incarné par Michel Houellebecq : la visite des lieux et les explications qu’elle suscite de sa part, forment une scène hilarante d’humour à froid qui mérite la citation. En chemin ils rencontrent aussi une belle cavalière prénommée Vénus à laquelle Céline Sallette prête son allure et sa grande maîtrise et une jeune serveuse de restaurant charmante et innocente. B. Delépine et G. Kerven continuent de faire souffler sur le cinéma français un vent de fraîcheur et d’humour. Alors, peu importe si, par instants, leur "Saint Amour" sent vaguement le bouchon, leur cinéma a du cœur, des tripes et de la cuisse. Et puis, de même qu’entre le père et le fils le passage de témoin est réalisé, entre Depardieu et Poelvoorde le basculement s’opère, qui offre au premier nommé l’occasion de se montrer tel qu’il est, toujours aussi grand, mais également touchant et profondément attachant. Cela va certainement aider le public français à le retrouver malgré son escapade en Russie.
Claude D’Arcier - Mai 2016
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