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Visionnaire de l'invisible
Le Cinéma

 

No land's song
Réalisateur : Ayat Najafi
Sortie : 16 mars 2016

 

 

Affiche du film - No land's song

       En Iran, depuis la révolution de 1979, les femmes n’ont plus le droit de chanter en public, tout au moins en solo et devant des hommes... Défiant la censure, Sara Najafi, jeune compositrice iranienne, tente d’y organiser un concert officiel pour des chanteuses solistes, interrogeant de front les tabous qui font loi. Pour soutenir leur combat, Sara et ses amies chanteuses Parvin Namazi et Sayeh Sodeyfi invitent trois artistes françaises, Elise Caron, Jeanne Cherhal et Emel Mathlouthi, à venir les rejoindre pour collaborer à leur projet musical, en initiant un nouveau pont culturel entre la France et l'Iran. Mais parviendront-elles enfin à se retrouver à Téhéran, à chanter ensemble, sur scène et sans entraves, et à ainsi ouvrir une porte vers une nouvelle liberté des femmes en Iran ?

           L’Imam Khomeyni, le leader charismatique de la révolution de 1979 avait ordonné l’interdiction de la musique et déclaré haram (illicite) la voix des femmes, dès juin 1980. Dans la pratique, la mesure est inapplicable dans son intégralité, et les femmes continuent à se produire, pour ainsi dire, dans les coulisses de la République. Elles se font entendre par les CD ou DVD, importés des USA, et qu’on trouve facilement sur le marché informel du pays, sur internet, ou même dans des concerts officiels qui sont réservés à un public féminin, lors de fêtes religieuses. Cette interdiction a transformé la musique : diffusée sous le manteau, ou produite dans les sous-sols, célébrant la jeunesse avec ses frustrations et ses espoirs, dénonçant les interdits de la société, elle est devenue un des symboles de la résistance à l’autoritarisme de l’État.

Devant les difficultés du gouvernement à définir clairement ce qui est licite ou pas, les familles de la classe moyenne urbaine n’hésitent pas à inscrire leurs enfants, et notamment les filles, à des cours de musique.

No Land’s Song montre ces paradoxes et ces ambiguïtés avec beaucoup d’humour. Par exemple, quand Sara Najati essaie de convaincre, avec persévérance et fausse naïveté, le représentant du Ministère de la Guidance Islamique (équivalent du Ministère de la Culture) d’organiser un concert pour ‘’sauver la voix féminine’’ de la disparition qui la menace, celui-ci finit par lui suggérer d’organiser un concert mixte dans lequel les hommes feraient semblant de chanter ! Finalement, il recrutera un poète, qui n’est pas chanteur, pour servir de caution au groupe le jour du concert.

C’est la vie quotidienne de l’Iran d’aujourd’hui qui est décrite, où chacun joue avec les limites de l’interdit sans chercher à pousser trop loin son avantage pour ne pas faire perdre la face  à son protagoniste. C’est l’esprit du ‘’javanmardi’’, cet morale chevaleresque qui habite l’imaginaire social et culturel de l’Iran et que, Sara et ses amies, voudraient enfin pouvoir vivre au féminin.

L’association Française des Cinémas d’Art et d’Essais (l’AFCAE) a réalisé un interview du réalisateur, qui déclare : ‘’Ma sœur Sara est la première femme iranienne diplômée en composition. Son combat quotidien pour étudier, puis pratiquer son art, témoigne de l’ampleur des difficultés que rencontrent les femmes musiciennes dans mon pays. Avec ce film, je veux montrer l’absurdité du quotidien des jeunes musiciennes iraniennes. Le concert dont Sara porte le projet durant plusieurs années, devient un effort collectif pour voir un rêve devenir réalité.

La ligne musicale du film a pour leitmotiv le chant traditionnel révolutionnaire « Oiseau de l’aube » (Morg-e Sahar). Sara veut donner une voix nouvelle, en hommage à Qamar, celle qui le chanta pour la première fois. Artiste de légende en Iran, elle parvint dans les années 20 à briser les tabous de la société iranienne et a libérer la voix des femmes, en la déplaçant du domaine privé où elle restait confinée, au domaine public. La résistance de Qamar a inspiré le défi que nous avons lancé en 2011 et 2013 aux gouvernements d’Ahmadinejad, puis de Rohani. Si le film est centré sur le personnage de Sara, les artistes françaises qui se sont associées à son combat offrent un poignant contrepoint au point de vue des protagonistes iraniens : un voyage vers Téhéran, entre choc des cultures et solidarité artistique, à travers le regard de Jeanne Cherhal, Elise Caron et Emel Mathlouthi. Nous avons fait ici appel à trois artistes de générations et de mondes musicaux complémentaires : trois femmes engagées et ouvertes à d’autres univers. Elles participent au bras de fer de Sara avec les autorités, aux côtés des chanteuses iraniennes Parvin Namazi et Soyeh Sodeyfi. La seule arme de ces femmes : la musique et le chant, expression par excellence d’un corps féminin que ce régime n’a de cesse de combattre. A l’issue de notre aventure, une porte s’est ouverte pour la voix des femmes, le temps d’une soirée inoubliable, le 10 septembre 2013, à l’opéra de Téhéran. Mais qu’en sera-t-il demain ?’’.

Le récit des circonstances qui ont permis la réalisation du concert, par Anne Grange, la productrice du film, est aussi très éclairante : ‘’Lorsque j’a invité Ayat Najafi à associer au combat de Sara des chanteuses venues de France, je sous-estimais les difficultés à venir. Rien n’aurait été possible sans la solidarité des artistes, mais cette aventure nous aura tous changés, déplacés. Nous cherchions à réunir un trio faisant pendant aux artistes iraniennes, des femmes engagées, prêtes à se faire le porte-voix de Sara. Elise, Jeanne et Emel se sont imposées comme des évidences, et nous sommes restées en lien continu durant deux ans. L’annulation du concert prévu en mai 2013 fut vécue par tous comme une réelle violence. Chacun reçut de plein fouet ce qui constitue le quotidien des artistes iraniens : l’impossibilité de se projeter dans l’avenir, toute initiative étant tributaire de réponses qui n’arrivent pas ou qui sont sans explication. Ce jour-là, tous ont décidé de tenter à nouveau, après les élections. Et ce fut le hasard qui joua pour nous. La seule période durant laquelle nous pouvions les réunir tous était mi-septembre. Si nous étions partis quelques semaines plus tard, le bien dérisoire ‘’coup de bluff’’ que nous avons risqué là-bas n’aurait peut-être pas eu d’effet. Le hasard nous amena à Téhéran quelques jours avant la rencontre entre les présidents Rohani et Hollande autour du programme nucléaire. Dans ce contexte, les autorités finirent par céder, et l’on nous ouvrit soudain les portes du bel auditorium de l’Opéra de Téhéran. L’ambassadeur de France était parmi le public, et le Vice-ministre des Arts d’Iran fit un passage afin de calmer les ardeurs des services de sécurité… Peu nous importait d’être instrumentalisés : nous voulions créer un précédent.

Ce concert fut-il ‘’une goutte d’eau dans l’océan’’, comme s’en inquiétait Elise Caron au début de l’aventure ? L’omerta a présidé ce soir-là, rien n’en a été dit ensuite, ni positivement, ni négativement – c’eut été faire état de cette soirée. Alors quoi ? Lorsque le film circulera en Iran sur le marché noir dès son édition DVD, d’autres Sara, nombreuses en Iran, se lèveront peut-être à leur tour ?...’’

C’est de passion qu’il s’agit, d’une passion qui finit par triompher dans ce "pays sans chanson", écrasé par l’absurdité d’interdits que sont incapables de justifier ceux-là mêmes qui les imposent. Il faut absolument voir No Land's Song qui, à mille lieues de nos sinistres télé-crochets, rappelle le potentiel subversif de la musique et le courage des femmes. Il s'en dégage un souffle de colère et de liberté, une émotion intense. Le combat de la compositrice iranienne Sara Najafi est filmé par son frère cinéaste avec intelligence et sensibilité. Son chant, uni à celui des artistes de tous pays, est une ode à la liberté.

 

 

 

Claude D’Arcier - Mai 2016

 

 


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