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Visionnaire de l'invisible
Le Cinéma

 

Brooklyn
Réalisateur : John Crowley et Paul Tsan
Sortie : 9 mars 2016

 

 

Affiche du film - Brooklyn

      Une boule au ventre, Eilis (Saoirse Ronan) quitte sa mère, sa sœur et son Irlande natale pour aller tenter sa chance dans le New York des années 1950, ville de tous les possibles et terre d’accueil hospitalière au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Brooklyn  est une adaptation du roman du même nom écrit par Colm Tolbin. Le scénario est signé Nick Hornby, qui avait déjà travaillé avec les producteurs des films Une éducation (2009) et Up and Down (2014). Brooklyn a été nommé aux Oscars dans trois catégories, dont celle du meilleur film. Il a été tourné en partie dans une petite ville irlandaise ainsi qu’à Montréal.

Le chant d’exil est une des grandes ressources de la littérature irlandaise. Sans doute parce que cette terre a connu plusieurs vagues d’émigration, notamment vers l’Amérique. Dans Brooklyn, le romancier Colm Tolbin a si bien exprimé le statut des expatriés que son livre est devenu un best-seller, couronné de nombreux prix. John Crowley, cinéaste irlandais, qui a bâti sa carrière aux USA, était tout désigné pour le réaliser. Tout comme Saoirse Ronan, actrice née à New York de parents irlandais et ayant grandi dans une ville proche du village natal de Tolbin, dont il a fait le décor de la plupart de ses romans. Ils connaissent tous les deux cette sensation de vivre entre deux pays et ont su l’exprimer à la perfection.

L’intrigue de Brooklyn est construite autour d’un triangle amoureux : le dilemme entre deux prétendants que tout oppose, matérialise  le déchirement d’Eilis entre son attachement à ses racines et un futur encore incertain mais plein de promesses. Elle va devoir faire un choix entre deux vies également séduisantes. John Crowley excelle à nous montrer le contraste entre Enniscorthy, le petit village irlandais d’où est issue l’héroïne, et la métropole new-yorkaise. L’écart est tel qu’il semble que ces deux univers sont éloignés, non seulement de milliers de kilomètres, mais aussi de plusieurs dizaines d’années. Alors que la stérilité, la pauvreté, le poids des conventions et de l’Eglise entravent encore la vie des jeunes gens en Irlande, New York apparaît comme un Eldorado fourmillant et coloré où tout semble possible à condition de travailler. En jouant sur des atmosphères et des palettes opposées, le réalisateur et son talentueux directeur de la photographie, Yves Bélanger, parviennent à mettre en regard l’insouciance du nouveau monde à travers une scène de baignade en Technicolor à Coney Island et la pudeur empreinte de gravité qui accompagne les personnages sur une plage déserte de la côte irlandaise. Cette divergence est encore renforcée par l’opposition entre deux personnages, secondaires mais truculents, avatars grotesques de la figure maternelle : à Enniscorthy, Eilis est au service de celle qu’on surnomme « Kelly l’ortie », marâtre doublée d’une commère mesquine et envieuse, avant de tomber entre les mains de Mme Kehoe, sa logeuse à Brooklyn, bonne fée, un peu bourrue, mais bonne et pleine d’un bon sens typiquement américain.

Les dîners à la table de la pension de famille sont l’occasion de conversations futiles et de plaisanteries réjouissantes et jouent sur un comique de caractère éprouvé. Ainsi, deux des pensionnaires – incarnation espiègle des deux sœurs de Cendrillon – sont prêtes à tout pour trouver un mari et déclenchent régulièrement la colère de leur logeuse et chaperonne. Pestes au grand cœur, elles acceptent de donner à Eilis une fantastique leçon de dégustation de spaghettis, avant que la jeune fille ne rencontre les  parents de son amoureux italien. Ces séquences, qui cultivent une veine satirique, garantissent à Brooklyn un subtil équilibre entre la comédie et le drame. Car le film réserve au spectateur un rebondissement particulièrement poignant. Le jeu exceptionnel de Saoirse Ronan dans le rôle de l’héroïne et la beauté de la mise en scène touchent le spectateur.

Au-delà de l’intrigue sentimentale convenue, Brooklyn esquisse un beau portrait de femme. Malgré la fin très hollywoodienne du film, quelque chose d’un peu amer semble s’annoncer pour l’héroïne. Le destin d’Eilis semble tout tracé puisque le rôle de mère apparaît aux yeux de son conjoint, comme à ceux de la société, comme le seul accomplissement possible. A ce stade du film, on peut se demander si Eilis saura aussi bien s’émanciper du modèle familial américain qu’elle a su se libérer par l’exil de l’assujettissement aux traditions et aux mœurs de son pays d’origine.

Un romance qui peut paraître banale mais qui est sublimée par une Saoirse Ronan rayonnante qui illumine le film par sa simple présence ; un scénario classique qui met en scène une femme tiraillée entre ses racines familiales et sa nouvelle vie à New York ; rien d’exceptionnel, mais les histoires les plus simples deviennent parfois les plus belles .

Il y a dans le film une élégance modeste et un charme désuet qui en font une œuvre d'un classicisme intemporel, rehaussé par une écriture fluide et une interprétation très juste, toujours dans un registre humble et tendre. Saoirse Ronan, et ce n'est pas seulement à cause de ses origines, s'y révèle bouleversante d'ingénuité et de caractère, le cœur entre les deux rives de l'Atlantique. Avec ses couleurs vives et son empathie pour des personnages positifs, Brooklyn exhale un parfum de simplicité et de générosité qui ne fera pas fondre seulement les midinettes.

 

 

Claude D’Arcier - Mai 2016

 

 


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