L’homme cherche et prie Dieu de différentes façons

Dans ‘La naissance des religions, de la préhistoire aux religions universalistes’, paru en 2007 chez Armand Colin, Yves Lambert, directeur de recherches au Groupe Société, Religions, Laïcités met en relation la naissance et l’évolution des religions avec les principaux tournants de l’histoire humaine. Cette thèse est passionnante. Malheureusement, Y. Lambert n’a pas pu mener sa recherche à son terme car il fut atteint d’un cancer de la moelle osseuse. Il est décédé en 2006. Comme il le disait, n’ayant plus rien à perdre, il a travaillé jusqu’au bout à son œuvre qu’il savait discutable. Les chapitres sur le christianisme, l’Islam et la modernité n’ont pu être écrit. Son livre, en l’état, n’en reste pas moins riche pour comprendre comment sont nées les religions de l’humanité.

 L’auteur identifie cinq grands types de religions auxquels correspondent cinq phases de  l’histoire de l’humanité : les religions des peuples chasseurs - cueilleurs avec le chamanisme, les religions orales agricoles avec la religion dogon, les religions polythéistes antiques avec la religion athénienne à l’époque classique, les religions de salut avec l’hindouisme, le bouddhisme et la religion hébraïque et  leurs transformation dans la modernité. Pour Y. Lambert, il s’agit ici de cinq périodes axiales qui correspondent à cinq formes religieuses typiques.

               Cette tentative d’explication du sens de l’histoire des religions amène Y. Lambert à se demander ce qui peut unifier et expliquer cet ensemble de constats : « Tout se passe comme si l’évolution humaine était sous-tendue par la tendance à une maîtrise et à un accomplissement toujours plus poussés dans tous les domaines, et cela, pour le meilleur comme pour le pire d’un point de vue normatif. »

              Quant à la religion, l’auteur tient à rappeler que la racine étymologique première du mot religion n’est pas religare, relier, mais  relegere, exécuter avec scrupule, recueillir fidèlement. Aussi, l’auteur propose une définition de la religion : « Une organisation supposant l’existence d’une réalité supra-empirique avec laquelle il est possible de communiquer par des moyens symboliques (prières, rites, méditation, etc.) afin de procurer une maîtrise et un accomplissement dépassant les limites de la réalité objective. » Cette recherche religieuse qui est au cœur de l’histoire de l’humanité façonne l’homme. Dans le domaine cognitif, la religion apportent une conception globale de l’existence, dans le domaine matériel, elle aide à maîtriser ce qui est difficile à maîtriser, dans le domaine affectuel, elle instaure une relation avec les être surnaturels, dans le domaine éthique, elle légitime les normes présentées comme absolues, dans le domaine social, elle suscite des regroupements spécifiques, dans le domaine politique, elles créent de mythes de fondation, donne de la légitimation ou de la contestation à certains pouvoirs… 

Cette force qui est en tout homme révèle qu’il est un être cherchant à accroître ses chances de maîtrise et d’accomplir sa vie et à briser le mur sur lequel il butte : la mort. Dans ce besoin de toujours se dépasser, l’homme ou le pouvoir utilisera la religion pour le pire qui est de dominer les autres pour sa réussite personnelle ou celle de son peuple.

Etudier la naissance des religions c’est aller au cœur de l’homme, aller au fond de son être pour déceler bien des richesses cachées qui permettent à l’homme de se dépasser ou de s’enfoncer encore plus dans ses ténèbres.

Dans notre monde en plein bouleversement culturel et religieux, si il est passionnant d’étudier la naissance des religions, il est encore plus étonnant de découvrir ce qui anime l’homme au plus profond de lui-même quand il s’adresse à ‘Dieu’.

Dans ‘Ce que les hommes disent aux dieux’ paru aux Editions du Seuil, nous pouvons découvrir les prières des grandes religions.

              Pour les juifs, la prière est une supplication, une attente, une louange. Mais elle est aussi un retour sur soi, une reprise de conscience de sa façon d’être juste, c’est-à-dire être ajusté à Dieu, aux autres, à soi-même et à la nature. La prière est une prise de conscience de soi comme être créé qui a reçu la vie. Elle prépare à affronter les redoutables questions : « Q’en ferais-je ? Qu’est ce que j’en fait ? Qu’en ai-je fait ? » Pour le juif, la prière est non seulement une attitude spirituelle mais elle se vit à travers des gestes, des attitudes, des cris, des pleurs et des jeûnes.

              Jésus a appris à ses disciples à s’adresser Dieu comme à un Père. La prière chrétienne commence lorsque le priant parle à Dieu à la deuxième personne : ‘Toi, mon Père.’ La prière est une relation. Elle est dialogue avec Dieu. La prière est de se laisser aimer jusqu’au pardon et est aussi un regard d’amour vers le Père. Le chrétien est devant son Père comme un enfant plein de remerciements, de désirs et de demandes confiantes. La prière des chrétiens est aussi communautaire. Dans le mystère de l’Eucharistie où Jésus est présent, l’Esprit Saint crée une profonde communion entre chrétiens les faisant frères et sœurs de tous les hommes.  A Changhai comme partout dans le monde, la vie des chrétiens unis par l’Esprit-Saint en Jésus, devient une offrande agréable au Père.

              La prière musulmane est vécue comme une marche d’accès pour se mettre au diapason de la parole de Dieu, une manifestation d’une soumission fervente à Dieu. L’appel à la prière clamée en haut des minarets  constitue l’identité visuelle de l’islam. Les musulmans expriment alors cette soumission en se tournant vers la Mecque en se prosternant sur un tapis de prière. Le musulman doit vénérer Allah cinq fois par jour. Le pratiquant exprime sa bonne intention par une purification. La prière est pour le musulman comme une poutre qui tient sa vie debout, le corps et l’esprit purifiés. Elle rassemble les fidèles et les met en mouvement vers Dieu. 

              L’hindouisme n’est pas une institution religieuse et ne possède pas de livres sacrés comme la Bible ou le Coran. Aussi, il n’y a pas de prière commune à tout l’hindouisme. La prière dépend du groupe à laquelle l’hindouiste appartient, du temple dans lequel il prie.  La prière hindouiste permet d’élever son âme vers les sphères divines. Elle permet même dans l’hindouisme tantrique de s’identifier à Dieu.

              Le bouddhisme n’est pas une religion au sens où les occidentaux l’entendent. Il est essentiellement un cheminement spirituel de délivrance. Le pratiquant parcourt ce cheminement pour se libérer de ses souffrances.  Ce parcours est un véritable combat intérieur accompagné de bénédictions, d’invocations… Ce cheminement spirituel est vécu bien différemment selon que le fidèle est influencé par le bouddhisme sino-japonais, indo - tibétain, tantrique ou traditionnel.

R.P.

 

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