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Visionnaire de l'invisible
La littérature

’La carte et le territoire’
Michel Houellebecq
(Flammarion)

 

 

La mort dévoile la vérité

 

 

Il ne s’agit pas ici de juger de la qualité littéraire de ce roman mais de découvrir comment, dans ce roman, l’auteur décrit notre époque. Michel Houellebecq, dans ‘La carte et le territoire.’ édité chez Flammarion, dénonce le marché de l’art,  analyse les relations d’un fils avec son père, décrit la place primordiale de l’argent dans notre société. Pour illustrer la déshumanisation qui caractérise notre époque, l’auteur met en scène  Jed Martin, artiste peintre, fidèle à ses intuitions et non à l’argent ou à la mode.

Jed Martin deviendra célèbre en peignant des cartes Michelin. Pour lui, ces cartes représentent le réel mais ne sont pas la réalité. « Le dessin était complexe et beau…dans chacun des hameaux, des villages représentés suivant leur importance, on sentait la palpitation, l’appel de dizaines ou de centaines d’âmes – les unes promises à la damnation, les autres à la vie éternelle. » (p. 54) Ce réel, marqué par la mort, rend la carte plus vraie que le territoire.

L’artiste se lance ensuite dans le portrait. Son galeriste l’encourage car « le marché de l’art est dominé par les hommes d’affaires les plus riches de la planète… on est revenu aux temps de la peinture de l’ancien Régime. » (p. 206) L’homme d’argent aime avoir son portrait. «  C’est curieux, on pourrait croire que le besoin de s’exprimer, de laisser une trace dans le monde, est une force puissante, et pourtant, en général, cela ne suffit pas. Ce qui marche le mieux, ce qui pousse avec le plus de violence les gens à se dépasser, c’est encore le pur et le simple besoin d’argent. » (p. 45) L’auteur décrit les hommes comme des consommateurs intelligents et heureux mais qui s’infantilise pour être au top. Signe que la déshumanisation du monde progresse. L’homme n’est plus qu’un produit culturel qui se vend, s’achète, se vole.

              Mais le romancier va plus profond dans son analyse de notre époque. La mort rode continuellement dans ce roman, cette mort que notre époque recommence à aborder de face. « Jed se rendit compte que c’était la première fois qu’il assistait à un enterrement sérieux, à l’ancienne, un enterrement qui ne cherchait pas à escamoter la réalité du décès. » (p.55) La mort est continuellement présente aussi dans la vie de Jed  Martin. Sa mère s’est suicidée alors qu’il était enfant. Il cherche à dialoguer avec son père et découvre que son père s’est fait euthanasier en Suisse. Jed Martin a fait le portrait d’un écrivain qui se nomme Michel Houellebecq. Ce portrait vaut une fortune.  Michel Houellebecq est découvert assassiné. Sa mort horrible laisse perplexe la police. Jed Martin découvre que le portrait qu’il a peint et qui vaut une fortune a disparu. Le meurtre a eu pour motif l’argent.

Le dernier roman de Michel Houellebecq réussit ce tour de force : il entraîne le lecteur à penser à sa propre mort et à relire sa propre vie avec comme arrière fond la mort qui dévoile ce qui a été vrai dans sa vie. 

 

Novembre 2010
R.P.

 

L'article de l'éditeur

 

 

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