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Visionnaire de l'invisible
La littérature

'Le jumeau du Christ'
Patrick Banon
(Presses de la Renaissance 2010)

 

Parler de Dieu dans le langage des hommes

 

       Patrick Banon, fondateur de l’Institut des Sciences de la Diversité a choisi un titre provocateur pour raconter le destin tragique de Jean : ‘Le jumeau du Christ’. L’auteur présente le drame de Jean appelé à disparaître pour que Jésus ait sa personnalité et un destin propre. « A l’image des jumeaux mythiques, il faut que l’un disparaisse pour que l’autre ait accès à l’immortalité… » (p.272) Ce récit historique est écrit comme une véritable aventure humaine et religieuse.

        Jean a vécu dans une société marquée non seulement par la/des sécheresse/s et des tremblements de terre, mais aussi par la violence qui régnait dans le peuple juif du  temps du roi Hérode. S’étant compromis avec le pouvoir romain, Hérode avait placé au pinacle du Temple, symbole de l’identité juive, l’aigle d’or, symbole de l’autorité de Rome. L’auteur souligne aussi la fragilité de César, causée entre autres par la traduction de la Torah en grec. Cette traduction permettait la diffusion de la pensée hébraïque dans le monde grec et latin. A Rome, cette interaction des cultures était reçue comme une menace pour le culte impérial. Aussi, quand des Juifs osèrent abattre l’aigle d’or, ils subirent le martyre, Rome voulant faire taire toute contestation qui fragiliserait encore plus son pouvoir.

         Zacharie, le père de Jean, faisait partie des serviteurs de ce Temple qui était objet de division et de contestation. En effet, un fossé s’était creusé entre le clergé et le peuple : le Temple, devenu le lieu sacré, sépare la demeure de Dieu du reste du monde. Les prêtres font partie de ce monde sacré, pollué au temps de Jean par l’attitude du roi Hérode car le grand prêtre est nommé par Hérode avec l’assentiment de Rome. L’emprise politique sur la vie religieuse de Jérusalem a pour conséquence que le grand prêtre confond le rôle de gardien de la Loi avec celui de gardien du Temple. Cette attitude heurte profondément les fidèles.

         Au temps de Jean, beaucoup d’enfants d’Israël espèrent l’arrivée d’un libérateur. Cette attente provoque des déchirures au sein du peuple car elle est vécue différemment. Les pharisiens, gardiens de la Loi, mettent l’accent sur l’étude attentive de la Loi. Si la Judée est occupée par l’étranger, c’est, selon eux, à cause du manque de sainteté du peuple. ‘L’encens des sacrifices ne monte plus jusqu’à Dieu.’ Les saducéens, gardiens du Temple, croient au Dieu des vivants qui n’a rien à voir avec le mal qui s’est abattu sur Jérusalem. Comme chacun est responsable de ses actes. c’est à lui de se délivrer de l’injustice qui l’écrase. Les zélotes, gardiens de la Terre Promise, pensent que le libérateur annoncé par les prophètes sera un résistant à la présence romaine. Aussi, ils sont prêts au combat. Les esséniens, gardiens de l’Alliance, se sont retirés dans le désert où ils multiplient les rites de purification. Ils croient à l’immortalité de l’âme mais non du corps qui est une prison empêchant l’esprit de s’élever vers la béatitude céleste. Le Temple profané par l’occupant n’est plus une référence pour eux. Que de divisions, que de lâcheté, que de violences au temps de Jean !

         Ces événements dramatiques étaient perçus par le peuple comme le signe de l’imminence des temps messianiques. Zacharie lui-même, père de Jean, attend de son Créateur une intervention dans le temps historique pour rendre le monde des hommes lieu de la compréhension divine. Jean, enfant né grâce à une intervention divine, ne serait-il pas le signe que le temps messianique est arrivé ?

Jean vit au désert car c’est le lieu de toutes les solitudes et de la Rencontre. Ce prophète annonce une recréation imminente du monde, une nouvelle vie pour son peuple s’il reconnaît son péché. Il annonce l’irruption du pardon divin sans contrepartie sanglante. Jean invite ceux qui viennent à lui à se plonger dans le Jourdain pour être purifiés. Par le baptême dans l’eau/d’eau, il fait de la mort une promesse de renaissance, il rend aux mortels pécheurs le pouvoir d’exister. Par ce rite, chacun retraverse symboliquement la mer Rouge, fuyant l’esclavage et l’idolâtrie.

        Jean a insufflé dans le peuple une nouvelle espérance et aussi une résistance invincible à l’oppression étrangère. Il pollue l’ordre établi par son appel à se convertir. Quand Jésus viendra le rejoindre, il s’effacera devant lui pour que ce dernier réalise son destin : baptiser l’humanité dans l’Esprit créateur. Son effacement sera couronné par son martyre.

         Pour Patrick Banon, cette épopée initiatique dévoile les sources de la révolte de Jérusalem contre Rome et l’émergence de la pensée chrétienne qui changera le destin de l’empire romain.

          En remettant Jean dans son contexte religieux, politique, culturel, ce récit, qui se lit comme un ‘thriller’, nous aide à mieux cerner Jean qui appelle ses contemporains à se préparer à la manifestation de Dieu dans le monde qui a soif de liberté. Il crie dans le désert de marcher non sur le chemin de l’obéissance, du sacrifice, de la violence, encore moins celui du retrait du monde, mais sur le chemin de la justice de Dieu dont la justice humaine est le reflet. Jean sera décapité pour avoir osé proclamer que la justice est le chemin que Dieu emprunte pour rejoindre les hommes qui vivent une crise.

 

       Pour annoncer la présence de Dieu qui vient au cœur de notre monde en crise, comment traduire dans notre langue cet appel à mettre la justice au cœur de notre vie ?

Ne devons-nous pas servir humblement le travail de justice de l’Esprit répandu sur toute chair, comme Jean devant Jésus ? Paul n’a-t-il pas écrit aux Corinthiens : « Nous, les vivants, nous sommes continuellement livrés à la mort à cause de Jésus, afin que la vie de Jésus, elle aussi, soit manifestée dans notre existence mortelle. » (2 Cor. 4/10) ?

R.P.

L'article de l'éditeur

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