Visionnaire de l'invisible
La littérature
La croisade des enfants
Marcel Schwob
(Sillage - 2015)
Qui prendra au sérieux ces milliers d'enfants
qui ne savaient pas où se trouvait Jérusalem ?
La croisade des enfants parut pour la première fois dans Le Journal à avril 1895. En 1212, huit ans après l’échec de la quatrième croisade, l’Europe fut parcourue par un cortége de jeunes qui avaient tout quitté pour aller délivrer Jérusalem. Sans moyen ni soutiens du pouvoir royal ou pontifical, ils embarquèrent à Marseille. Ils ne laissèrent aucun trace de leur passage et on entendit plus parler d’eux.
La petitesse de ce livre fait penser à la petitesse de cet événement et des enfants pèlerins vite oubliés. Qui se souviendra de la jeune Alys qui accompagna son frère aveugle, le tenant par la main et lui décrivant le paysage ? Qui prendra au sérieux ces milliers de jeunes qui ne savaient pas où se trouvait Jérusalem ni comment délivrer sans arme les chrétiens prisonniers ?
- Où vas-tu ?
- A Jérusalem pour conquérir la Terre sainte.
- Où est Jérusalem ?
- Je ne sais pas.
- Qu’est-ce que Jérusalem ?
- C’est Notre Seigneur.
- Qui est ton Seigneur ?
- Je ne sais pas. Il est blanc.
Ces jeunes étaient sans doute passionnés par cette aventure. Ils se nourrissaient de leur foi en Dieu mais qui les a aidé à réfléchir ?
Le pape Grégoire IX, contemporains de ces enfants disparus, prie : ‘Ô mer Méditerranée, rends-moi mes enfants ! Pourquoi les as-tu pris ? » Il poursuit sa prière à la mer par une réflexion sur Dieu : « Dieu ne se manifeste point. Est-ce qu’il assista son fils au jardin des Oliviers ? Ne l’abandonne-t-il pas dans son angoisse suprême ? Ô folie puérile que d’invoquer son secours ! Tout mal et toute épreuve ne réside qu’en nous. » (p 43)
Ce petit livre qui semble à première vue anodin, pose deux questions qui sont très actuelles :
- Quand l’homme laisse ses sentiments dominer sa raison, ne court-il pas à la catastrophe ?
- Quand l’homme se fait de Dieu une fausse idée sur sa puissance, ne perd-t-il toute lucidité et toute responsabilité ?
Notre réflexion sur l’incarnation de Jésus, ‘La parole de Dieu s’est faite chair’ nous révèle un autre visage et de Dieu et de l’homme.
Février 2019 - R. Pousseur