L'Église de notre temps à l'écoute des artistes en Arts plastiques
Quand des enfants construisent leur personnalité par la peinture
L'association "L'Atelier Peinture de Rue" fonctionne à Nîmes, au Mas de Mingue depuis 2001 et dans le quartier Gambetta depuis 2005. L'Atelier est né en tout premier lieu de l'élan et de la conviction de deux artistes passionnées par la pratique de la peinture comme expression vivante favorisant la construction de la personne.
L'objectif de l'association est de proposer, dans la rue, aux enfants de quartiers difficiles, de faire, par la peinture, l'expérience de l'expression graphique la plus libre possible. En libérant l'imaginaire et la créativité, dans un climat de confiance, de liberté et de contraintes acceptées, l'association œuvre à l'épanouissement et à l'autonomie de l'enfant. Elle œuvre également à sa socialisation. Etre au milieu des autres, oser sa propre forme, sa propre couleur et en goûter la fécondité, s'enrichir mutuellement, tout cela constitue pour l'enfant une expérience qui pourra s'appliquer ailleurs à d’autres moments.
Propos recueillis auprès des animatrices de l'Atelier de Rue,
Anne, Lucie, Michèle, Thérèse et Yvonne
Les œuvres des enfants sont des traces accomplies sans qu’aucune consigne ne soit donnée. Elles sont le fruit de l’étonnante rencontre de l’enfant avec la couleur et la matière (gouache, pastel, crayon, papier, eau), puissances inspirantes qui alimentent le désir de peindre que tout enfant porte en lui.
Nasser : « C’est mon bleu
qui est devenu vert. »
Ahmed : « C’est de la magie. »
Le désir de l’enfant peut alors se saisir de cette proposition pour donner forme aux mouvements qui l’habitent.
C’est dans la rue, ce lieu de passage dont nul n’est propriétaire et où chacun a sa place, dans le va-et-vient des habitants du quartier et des bruits multiples, que l’enfant a rendez-vous avec l’atelier. Il s’inscrit, s’installe et se met à peindre dans cette nécessaire rencontre avec lui-même, à la croisée du dedans et du dehors, de l’intime et du public. Au vu et au su de tous, l’Atelier lui offre paradoxalement cet espace protégé, fidèle, où, accompagné, en confiance, il peut oser s’avancer dans l’aventure de la peinture.
Fatiah : « La peinture,
c’est comme si on était des artistes. »
Najid : « Tourne le dessin vers la fenêtreque ma maman le voit. »
A travers ces traces brossées, projetées, arrosées, griffées, répétées, recouvertes... une recherche se trame, une expérimentation se montre, une rêverie prend corps. L’accueil de l’imprévu, de l’accident formel provoquent l'étonnement d'une beauté autre, engendre la jubilation d’une découverte.
Dans la rue, avec des enfants, Anne, chrétienne laïque
vit sa mission ecclésiale dans le monde des arts.
Vous me demandez, à partir de mon expérience à l’Atelier de Peinture dan la Rue, comment je vois ma façon d’être « laïc » dans l’Église, de vivre ma « mission » de baptisée ».
J’ai un peu de mal à entrer dans cette problématique car chaque fois que j’ai pris une responsabilité de type non confessionnel, ma motivation n’a jamais été liée à ma foi, à mon baptême. Elle a toujours répondu d’abord à des besoins personnels, à mon histoire et aux circonstances. Pour répondre à votre question une fois de plus, je suis amenée à un retour aux sources et à relire mon histoire, relecture faite en l’occurrence avec une des animatrices de l’atelier, Thérèse.
La peinture a joué dans ma vie un rôle primordial. En quelque sorte, lors d’une période difficile de déprime, d’angoisse, elle m’a tenu la tête hors de l’eau. Cela je ne l’ai jamais oublié. La peinture je ne l’ai jamais quittée.
J’ai découvert les ateliers de peinture dans la rue en me rendant il y a une vingtaine d’année, à l’invitation d’une amie, à un rassemblement de la Mission de France à Port de Bouc. André GENCE, prêtre de la Mission de France et peintre, soucieux d’offrir à tous l’expression par la peinture, proposait de peindre dans la rue à des Gens du Voyage. J’ai tout de suite perçu l’intérêt de cette initiative.
Il a fallu de nombreuses années pour que se concrétise mon désir de faire quelque chose du même genre : la rencontre avec Thérèse et son désir proche du mien, la formation à Marseille auprès d’« Arts et Développement », la proposition d’un ami, Président de la Croix Rouge à Nîmes, d’ajouter une action de type culturel à l’action sociale menée dans un quartier « difficile » de la ville.
Nos motivations à Thérèse et à moi étaient simples : offrir le plaisir de la peinture à des enfants souvent en difficulté mais pas toujours, et leur permettre de faire une expérience qui libère, qui soutient, qui construit la personne.
Aucune motivation de l’ordre de notre foi chrétienne, mais le désir, comme pour la plupart de nos concitoyens de devenir, les uns par les autres, plus humains.
Peut-être me disait Thérèse, si nous sommes honnêtes, cela a-t-il à voir avec l’éducation chrétienne que nous avons reçue dans nos familles.
Ce n’est que plus tard que je me suis rappelée l’ « appel » de mon évêque en 1989 !
A l’époque il venait de me proposer une responsabilité importante dans ma paroisse que j’avais refusée (tout en l’exerçant en partie pendant trois ans) lui disant qu’il y avait un endroit où je me sentais bien : c’était le milieu des artistes. Il m’avait alors écrit une lettre dont voici un extrait : « Pour ce qui est de « votre présence » je vous confirme que les milieux artistiques me semblent aujourd’hui prioritaires dans le contexte nîmois. C’est un lieu de recherche spirituelle. Comment resterions-nous à coté, compte-tenu de ce qu’est notre foi et de ce qui nous est donné ! Pour les paroisses, surtout en ville, il y aura toujours des ouvriers. Je comprends très bien votre désir de liberté et de gratuité : c’est cohérent. Laissez-vous seulement habiter et guider par l’Esprit de Jésus. Pour le reste je vous fais confiance. Comme dans beaucoup de situations, la route n’est pas tracée d’avance et il faut la découvrir pas à pas et peut-être aussi la faire… »
Lorsque j’ai eu des choix à faire, choix jamais faciles, c’est toujours après coup que je me suis souvenue de cette lettre comme si elle venait me confirmer dans mon choix. Ce fut le cas, par exemple, lorsque pendant 7 années j’installais mon atelier de peinture dans une « friche d’artistes » rassemblant une trentaine de personnes de 20-40 ans, souvent en grande précarité sociale et affective. Je cherchais un atelier !
J’ai eu des responsabilités dans l’Église (Aumônerie de lycée, Conseil de Pastorale de ma paroisse, ACI, ‘Arts, Cultures et Foi’). Ce fut, je l’ai déjà dit souvent une question de circonstances et parce que la rencontre avec Jésus-Christ a toujours été déterminante dans ma vie. Et puis dans l’Église, je me trouvais bien, dans un contexte où je jouissais d’une certaine reconnaissance. Mais il m’est arrivé de penser que, comme Jonas, je fuyais peut-être quelque chose qui avait peut-être à voir avec la satisfaction du désir des autres plutôt que la prise en considération du mien.
Je viens de quitter la présidence de l’Atelier de Rue, après une dizaine d’années de travail sérieux. Cela m’a beaucoup appris sur moi-même et sur les autres. Cela a été difficile mais a été possible grâce à la présence d’une équipe où chacun se sent responsable de l’autre et où ensemble avec lucidité on essaye de garder les objectifs, fortifiés et renouvelés sans cesse par la présence des enfants et de leurs familles.
Si je veux parler en terme de foi et pour faire court, la chrétienne laïque que je suis s’est trouvée parfaitement à sa place à l’Atelier de Rue, au milieu de personnes de cultures différentes, et complètement fidèle à mon « baptême ».
Octobre 2011 - Anne - Contact : contact@acf-nimes.cef.fr
« L’ATELIER PEINTURE DE RUE »
Mas de Mingue - 8, rue Montaigne 30 000 NIMES Tél. : 04 66 23 13 00