L'Église de notre temps à l'écoute des artistes en Arts plastiques
Shirin Neshat, une artiste engagée
Seeking Martyrdom, 1995
Photographie Noir et blanc et peinture
98,4 x 139,7 cm
Copyright Shirin Neshat
Courtesy Anina Nosei Gallery, New York
Il n’y a pas que la lutte armée et les hommes pour combattre l’intégrisme et le fondamentalisme. Les artistes ont une place originale dans le combat pour la liberté et la dignité de l’être humain. Nous sommes heureux de présenter ici une artiste iranienne En lisant sa biographie, nous comprendrons pourquoi elle a été déclarée ennemie de la Révolution islamique par les autorités iraniennes. Son combat ne nous invite-t-il pas à découvrir la richesse du monde musulman ?
Guardians of Revolution, 1994
Photographie Noir et blanc
109 x 99 cm
Copyright Shirin Neshat
Courtesy Anina Nosei Gallery, New York
Née en Iran, en 1957, Shirin Neshat a quitté son pays pour les Etats-Unis quelques années avant la révolution islamique de 1979. Cette restauration théocratique menée par l'Ayatollah Khomeyni est née d'une réaction contre la modernisation de la société iranienne, qui était en marche depuis le début du 20ème siècle. Aux yeux de nombreux fondamentalistes, cette évolution mettait en péril l'équilibre de la société islamiste face à l'influence économique et culturelle de l'occident. Le premier retour dans son pays, en 1990, fut pour Shirin Neshat une " expérience choquante ". " La différence entre ce que j'avais gardé en mémoire de la culture iranienne et ce dont j'étais témoin était énorme, se rappelle-t-elle. Le changement était à fois effrayant et excitant. Je n'étais jamais allée dans un pays dont les fondations étaient si idéologiques. "
Allegiance with wakefulness, 1994
Photographie Noir et blanc
96,5 x 120,6 cm
Copyright Shirin Neshat
Courtesy Anina Nosei Gallery, New York
Dès lors, elle a régulièrement séjourné en Iran et entrepris de composer une fresque allégorique au centre de laquelle se trouve la femme, clef de voûte de l'édifice islamique, et sur qui s'exercent en premier lieu les pressions idéologiques. Rappelons que depuis le début du siècle dernier, le port du voile y fut tour à tour non obligatoire et proscrit (1935-1941). Puis dans les années soixante-dix, il devient signe d'engagement révolutionnaire avant d'être de nouveau obligatoire, mais redessiné au début de la guerre contre l'Irak, afin qu'au lieu de le tenir, dans l'espace public, les femmes retrouvent l'usage de leurs mains, pour remplir des fonctions administratives et éducatives aussi bien que pour tenir une arme.
Moon song, 1995
Photographie Noir et blanc
71 x 102 cm
Copyright Shirin Neshat
Courtesy Anina Nosei Gallery, New York
Depuis 1993, dans ses photographies Shirin Neshat a souvent mis en scène, non sans dérision, les tensions que subit la femme sous le coup de tels changements, comme dans " Faceless " (1994), par exemple, où une femme -Neshat elle-même-, d'une seule main pointe le spectateur et tient fermement son tchador clos sur son corps. Comme la plupart de ses épreuves photographiques, la chair de la main et du visage encore apparente est recouverte de calligraphies persanes. Pour beaucoup, ce sont des fragments de textes empruntés au poète iconoclaste Forough Farokhzad (1935-1967) qui, auprès d'une génération de femmes à laquelle appartient Shirin Neshat, a favorisé l'éveil d'une sensibilité moins soumise aux prescriptions politico-religieuses. Mais d'autres textes sont empruntés à des écrivains pro-islamistes. Car si les modernes allégories de Neshat visent la logique patriarcale des sociétés islamiques, son ambition est tout autant de pointer le poids du regard occidental sur la femme arabe. Ce regard est passé de l'ère coloniale à la révolution islamique d'un érotisme exotique au symbole de la négation absolue des droits de la femme. Sous l'influence des voyages romantiques en Orient aux couvertures de magazines récemment parues en France lors du débat sur le port du voile dans les écoles, sans oublier les études de drapé du docteur Gaëtan de Clérambault au siècle dernier, l'imaginaire occidental de la femme voilée - s'est construit pour l'essentiel, à partir d'une iconographie photographique. " Pour Shirin Neshat, écrit Hamid Dabashi, le voile est une forteresse métaphorique depuis laquelle un combat différent peut être engagé ". Un combat difficile à mener sur la crête où se rejoignent sans jamais fusionner spiritualité et fanatisme.
Rebellious Silence, 1994
Photographie Noir et blanc
96,5 x 133 cm
Copyright Shirin Neshat
Courtesy Anina Nosei Gallery, New York
L'œuvre de Shirin Neshat traite de la dimension sociale, politique et psychologique de l'expérience des femmes dans les sociétés islamiques actuelles. Bien que Shirin Neshat résiste activement contre les représentations stéréotypées de l'Islam, ses objectifs artistiques ne sont pas explicitement polémiques. Son travail reconnaît davantage les forces intellectuelles et religieuses, complexes, formant l'identité des femmes musulmanes à travers le monde.
I am its secret, 1993
Photographie Noir et blanc
100,9 x 143,5 cm
Copyright Shirin Neshat
Courtesy Anina Nosei Gallery, New
Si Shirin Neshat s'est fait connaître grâce à ses magnifiques portraits de femmes recouverts de Calligraphies, elle est aussi auteur de plusieurs vidéo, Anchorage (1996), et Shadow under the Web (1997).
" Rapture " (1999), l'œuvre la plus ambitieuse de Shirin Neshat, est une scénographie - une chorégraphie serions-nous tenté de dire -, où d'un côté une communauté de femmes, toutes drapées de noir, évolue dans de grands espaces naturels tandis que de l'autre, une communauté d'hommes mène diverses activités dans l'enceinte d'une forteresse. Dans les sociétés islamiques, la différence sexuelle est affaire de territoire. Elle est maîtrisée par une distribution précise de l'espace entre les deux sexes, tandis que les interactions avec ces espaces distincts sont régulées par un ensemble de rituels et de codes. C'est pourquoi, d'une part, Neshat a choisi de projeter face à face les deux films qu'elle ait consacrés à ces communautés (processus déjà utilisé dans " Turbulent "), l'un aux femmes, l'autre aux hommes, en concevant leurs mouvements et attitudes respectives de telles sortes que d'un écran à l'autre des correspondances s'établissent, une communication s'amorce aux yeux du spectateur. Douze photographies, représentant parfois des scènes absentes des films, viennent compléter l'installation vidéo et permettent à Neshat de souligner certains traits de sa mise en scène. Le plus essentiel est sans aucun doute la capacité qu'elle accorde aux femmes de maîtriser un espace ouvert, de le structurer par le déploiement et l'agencement en figures du corps de la communauté qu'elles forment, tandis que, de leur côté, les hommes ne peuvent s'affranchir d'une lourde architecture qu'ils ont conçue, bâtie et dans l'enceinte de laquelle ils se replient.
Certains critiques l'ont accusée de promouvoir une notion romantique de la gloire révolutionnaire, les autorités iraniennes l'ont déclarée ennemie de la Révolution islamique.
My beloved, 1995
Photographie Noir et blanc
101,5 x 150 cm
Copyright Shirin Neshat
Courtesy Anina Nosei Gallery, New York
PLUS D'INFORMATIONS SUR L'ARTISTE
GALERIE Jérôme de Noirmont
38, avenue Matignon - 75008 Paris
Tél. : + 33 (0)1 42 89 89 00
Fax. +33 (0)1 42 89 89 03
Horaires : du lundi au samedi 11h-19h
http://www.denoirmont.com
E-mail: info@denoirmont.com
Cette présentation de Shirin Neshat faisait partie du site à présent 'dormant' "Artiste en dialoque",
site qui était animé par la même équipe. Ce texte a été remanié ce mois d'avril 2013
R. P.
