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Visionnaire de l'invisible
Le Cinéma

 

HOPE
Réalisateur : Boris Lojkine
Sortie : 28 janvier 2015

 

 

Affiche du film  Hope

Un groupe de migrants africains, décidé à se rendre en Europe, traverse le Sahara. Parmi eux, Hope, une jeune Nigériane, cherche à se faire passer pour un homme. Vite démasquée, elle est violée puis abandonnée dans le désert algérien. Membre du groupe, le Camerounais Léonard rebrousse chemin pour lui venir en aide. Désormais, ils vont suivre la même route semée d’embûches, unis par un ardent désir de s’en sortir. Racket, prostitution, contrôles, razzias, intimidations, rien ne leur sera épargné au cours de ce voyage clandestin.

Présenté à la Semaine de la critique lors du dernier festival de Cannes, Hope a été tourné au Maroc avec des acteurs non-professionnels. Venu du documentaire, Boris Lojkine signe ici sa première fiction. C’est avec un grand souci de réalisme et un grand sens de l’action, qu’il retrace la lutte pour leur survie de ces jeunes migrants africains.

 

L’Association Française des cinémas d’Art et d’Essai – AFCAE – a rencontré le metteur en scéne pour l’inviter à parler de son film :

Pourquoi avez-vous choisi ce sujet ?

Ce qui m’intéresse, c’est de raconter des vies traversées par quelque chose de plus grand qu’elles, que ce soient les vies marquées par la guerre de mes deux documentaires tournés au Vietnam, ou bien ici, Hope, les vies emportées par la grande vague de l’immigration.

L‘aventure a changé de camp. Elle n’est plus du côté des Européens explorant des contrées sauvages. Le temps des Indiana Jones est révolu ! Les aventuriers d’aujourd’hui, ce sont qui, du sud, partent à la conquête du nord.

Hope 2Quand les migrants racontent leurs voyages, ils parlent d’espaces immenses, peuplés de bandits, de contrées inconnues aux mœurs étranges. Ils déploient une géographie héroïque qui n’est pas la géographie des atlas. Leurs aventures semblent appartenir à un autre temps. Et pourtant ces gens appartiennent bien à notre monde. La preuve : ils s’échouent sur nos côtes.

 

Comment avez-vous procédé à l’écriture du scénario ?

Le processus a été long, mais je ne le regrette pas car il me fallait deux dimensions : d’une part, une recherche documentaire sérieuse, pour amener dans le film un réel riche, surprenant et inédit ; mais aussi, une vraie écriture de fiction qui nous décolle du documentaire et puisse nous emporter.

Dans votre film, on découvre un monde communautaire…

C’est ce qui m’a le plus frappé lorsque j’ai commencé à faire du terrain, cette dimension incroyablement communautaire de la migration. Sur la route, les communautés ne se mélangent pas. Chacun a son organisation propre. Dans chaque ville étape, par exemple Tamanrasset, la première ville algérienne sur la route après la traversée du Sahara, vous allez trouver un ghetto camerounais, un ghetto nigérian, un ghetto guinéen, etc… Chacun reste avec les siens. Malheur à celui qui se trompe de porte ! Chaque ghetto est très bien organisé, avec un ‘’gouvernement’’ dirigé par un ‘’chairman’’, avec un ‘’commissaire’’, un ‘’secrétaire général’’, des ‘’policiers’’. Le chairman est le chef de la communauté, il rend la justice et maintient l’ordre, un peu comme un chef de village traditionnel, mais souvent il se mue en bandit maffieux, il rançonne ceux qui passent entre ses mains e abuse des femmes. Ce monde des ghettos est un monde terrible, un monde souterrain qui a ses lois propres. J’ai essayé d’en faire comprendre le fonctionnement car c’est sur cette toile de fond que l’histoire que je raconte prend son sens.

Votre film se mue lentement en une histoire d’amour…

Ce qui a tout changé dans mon chemin vers ce film, c’est ma rencontre avec des femmes migrantes. J’avais beaucoup lu sur la condition des femmes sur la route, mais rien ne m’avait préparé à ce que j’ai ressenti en parlant directement avec elles. Toutes ces femmes avaient, d’une manière ou d’une autre, connu la prostitution. Et toutes étaient profondément blessées, certaines même complètement détruites. Elles m’ont bouleversé. Après ça, vous ne pouvez plus compatir avec un migrant qui vous dit, comme je l’ai souvent entendu, que la route est plus dure pour les hommes, ‘’parce que les femmes, elles, peuvent toujours se débrouiller’’.

Le film raconte donc le problème qu’une femme, Hope, pose à un homme qui, au départ, n’est pas meilleur qu’un autre mais qui va devoir, à cause de cette femme, puiser dans les ressources de son humanité. Est-ce une histoire d’amour ? Sans doute, mais ce n’est pas une histoire de coup de foudre et de passion. Il n’y aurait eu aucun sens à plaquer un schéma romantique sur un monde où il n’a pas cours. Pendant les deux tiers du film, Léonard et Hope parlent plus d’argent que de sentiments. Ils s’accrochent l’un à l’autre sans le désirer. Et ce n’est peut-être qu’à la fin, lorsque le film s’achève, qu’on peut se dire qu’on a vu un film d’amour. Que ce couple ne ressemble à aucun autre, que leurs gestes miment si peu la romance attendue, c’est ce qui me touche chez eux.

Pourquoi ce titre Hope – Espoir ?

Hope3     

C’est d’abord le nom de l’héroïne. Si ce n’était pas un prénom courant au Nigéria, je n’aurais jamais appelé mon film ainsi. Mais l’espoir est aussi ce qui structure ce monde de la migration. Sans le rêve d’une autre vie, sans cette mythologie de l’Eldorado européen, personne ne partirait.

Certes, nous savons que ce qui les attend ici n’est pas une vie facile, que l’Europe n’est pas réellement un paradis. Mais on ne peut pas voir les choses de manière purement économique. Les Africains qui prennent la route se considèrent comme des ‘’aventuriers’’ qui ‘’sortent du pays pour se chercher’’. Ce n’est pas tant la misère qui les pousse, mais le sentiment que, là où ils sont, rien ne peut se passer, que le temps s’y déroule immobile, loin du centre. Dans notre monde globalisé, Yaoundé est une sorte de province, une périphérie. On n’y meurt pas de faim. Mais si vous voulez conquérir votre destin, accomplir quelque chose, alors il faut prendre la route. Voilà pourquoi aucune barrière ne peut les décourager. On ne peut pas empêcher un jeune homme entreprenant de vouloir vivre sa vie.

Que sont devenus les acteurs ?

Il n’y a pas de comédiens professionnels dans le film. Tous les interprètes sont de vrais migrants qui n’avaient jamais joué. Pour la plupart, ils sont encore au Maroc, même si certains commencent à arriver clandestinement en Europe. Grâce à l’argent gagné sur le tournage, Justin, qui joue Léonard, est retourné au Cameroun. Il voulait revoir sa mère qu’il n’avait pas revue depuis l’adolescence, et refaire ses papiers d’identité. Il veut retourner légalement au Maroc et ouvrir un petit commerce de produits africains. Endurance, qui joue Hope, a envoyé l’argent qu’elle a gagné à sa famille au Nigéria et vit toujours dans un faubourg de Casablanca. Chaque fois que je lui parle au téléphone, elle me dit qu’il n’y a rien pour elle au Maroc, qu’elle va prendre un zodiac pour l’Europe… C’est effrayant ! Depuis le début de notre relation, je leur ai dit que je n’avais pas le pouvoir de changer leur vie, que ce n’était qu’une expérience… mais, bien sûr, je me sens une responsabilité. C’est un souci permanent. Alors, avec mes maigres moyens, je fais ce que je peux.

Hope n'est pas un énième film sur les migrants. Il décrit, dans les détails les plus sordides, une immigration subsaharienne telle qu'on ne la soupçonne pas. Boris Lojkine est un documentariste de talent : on se souvient de son film magnifique Les âmes errantes, souvenirs de la guerre du Vietnam, tourné en 2007. Pour Hope, il a enquêté pendant des mois, puis a tourné au Maroc avec ceux qui ont vécu et vivent encore dans ces ghettos. Le réalisateur capte cette réalité brute, sans concession, dans la violence des dialogues où toutes les langues se mêlent et où transparaissent les cultures traditionnelles africaines, dans une sorte de chorégraphie des ombres. Dans l'obscurité du film, Lojkine éclaire ce peuple bien caché des damnés de la terre, partis "faire l'aventure’’.Hope nous invite à ouvrir les yeux sur la réalité du monde au-delà des clichés et des préjugés. Il est soutenu par Amnesty International dans son programme SOS Europe.  Au-delà de sa dimension sociale, politique et humaine, Hope, l’espoir, est incarné par Endurance, comme pour dire que nos efforts, quelque fois si coûteux dans la rencontre de l’autre, ne sont jamais vains.

 

Claude D’Arcier - février 2015

 

 


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