Recherche dans le site

 

 

Les films
classés RÉALISATEURS


Les films
classés par TITRES


Classement selon
la période d'analyse


Vient d'être commenté sur le site


Le film précédent :
Homeland

Le film suivant :
Ida



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Visionnaire de l'invisible
Le Cinéma

 

Les Innocentes
Réalisatrice : Anne Fontaine
Sortie : 10 février 2016

 

Affiche du film  "Les Innocentes"

       Pour son nouveau long métrage, Anne Fontaine (Entre ses mains, Coco avant Chanel, Mon pire cauchemar, Gemma Bovery…) a choisi de nous raconter l'histoire vraie de ces sœurs polonaises violées par des soldats, probablement allemands d’abord puis russes ensuite, à la fin de la seconde guerre mondiale.

              C'est donc la fin de la guerre. Mathilde Beaulieu (Lou de Laâge) travaille comme interne au sein de la Croix-Rouge, dans un hôpital de fortune. Elle est chargée, avec d'autres, de soigner les rescapés français avant leur rapatriement. Un jour, elle rencontre Maria, (Agata Buzek) une nonne polonaise qui vient de s'échapper de son couvent voisin pour demander du secours. D'abord réticente, Mathilde accepte de l'y suivre. Là, elle découvre trente Bénédictines coupées du monde. Trente femmes avec leur terrible secret : l'une d'elles est sur le point d'accoucher ; plusieurs autres sont enceintes. Mais la mère supérieure refuse d'alerter les autorités pour que la réputation du couvent reste intacte. Elle refuse aussi que Mathilde leur porte secours. Une relation touchante et complexe va se nouer entre ces religieuses et la jeune médecin. Les unes, spirituelles et attachées aux règles de leur vocation. L'autre, athée et rationaliste. Peu à peu, ces mondes vont s'interpénétrer. Peu à peu, Mathilde parviendra à percer le mur derrière lequel ces sœurs se sont retranchées. Et le chemin qu'elles vont chacune accomplir sera celui qui les unira.

              Mathilde, cette toute jeune fille qui n'est encore qu'une assistante à la Croix-Rouge, accouchera ces femmes et acceptera de garder leur secret face à sa hiérarchie qui ne comprend pas à quoi elle occupe ses nuits. Elle le fera malgré les risques : traverser la forêt de nuit, se trouver confrontée aux soldats soviétiques (confrontation qu'elle manque d'ailleurs de payer physiquement). Et c'est peut-être ce qui va la conduire à se rapprocher encore un peu plus de ces religieuses.

              Avec ce film, Anne Fontaine semble encore un peu plus creuser son sillon qui est celui de la transgression. Elle l'avait déjà fait avec "Nettoyage à sec" (1997) qui racontait la dérive d'un couple à travers une Miou-Miou qui s'éprenait d'un jeune garçon, rencontré dans un cabaret où il présentait avec sa sœur un numéro de travestis. La cinéaste avait réitéré en 2005 avec "Entre ses mains", l'idylle interdite entre une bourgeoise interprétée par Isabelle Carré et un prédateur sexuel joué par Benoît Poelvoorde. On peut citer aussi "Gemma Bovery" qui raconte l’histoire d’une jolie britannique débarquant avec son mari dans un village de Normandie et qui n'allait pas tarder à tomber dans les bras d'un autre.

              Dans ce film, il n'est pas question de plaisirs des sens ou de sensualité contrairement à ses précédentes réalisations. Il subsiste toujours, chez Anne Fontaine, un attachement profond aux relations humaines et ici une quête de spiritualité : qu’est-ce qui anime ces religieuses, quelle appel indicible les guide dans leur vie de femme, leur féminité, leur rapport au corps, aux doutes ? Chacune est révélée, dans sa personnalité singulière, avec délicatesse, à la faveur d'une mise en scène subtile, épurée et poignante. Sans trop en faire. Sans trop en dire. Sans jamais tomber dans le lyrisme. Dès le prologue où l’on suit dans la forêt enneigée cette religieuse au visage poupon. Sans son. Sans paroles. Jusqu'à son arrivée à la Croix-Rouge française. Il y a aussi cette mère supérieure, (Agata Kulesza), sévère, implacable, s'enfonçant inéluctablement dans sa foi jusqu'à commettre le pire. Mais chez qui, malgré tout, subsiste une humanité. Ses émotions sont là révélées avec finesse grâce à un récit se déployant toujours avec sobriété. Lou de Laâge, qui quitte enfin les seconds rôles de midinette auxquels elle nous avait habitués, est tout bonnement sublime. Sublime de mesure et de retenue, comme ce film saisissant.

              Au cours d’un séjour au monastère des Bénédictines de Vanves, la cinéaste fera la connaissance d’un moine venu faire une conférence sur le rapport à la foi. Donc précisément sur l’un des enjeux qu’Anne Fontaine voulait mettre au centre de son film, en ne cherchant pas tant à comprendre comment ces religieuses avaient vécu leur sort dans un contexte de guerre, mais comment leurs vocations, leur vœu envers le Seigneur allaient pouvoir survivre à leurs grossesses non désirées. Voir comment ces femmes, qui avaient renoncé à la maternité en entrant au couvent, s’y retrouvaient confrontées malgré elles ?

Ces questions intemporelles vont pousser Les Innocentes loin du confort d’un simple film d’époque, avec une histoire romanesque et des situations qui permettent de glisser d’autres questions comme la croyance en la science contre la foi, le rapport au corps contre celui de la spiritualité. Les deux personnages principaux, Mathilde et Maria, la sœur qui va oser aller chercher du secours et amener au monastère l’interne de la Croix-Rouge, sont très modernes, pour les années 40 comme pour aujourd’hui : Mathilde, jeune médecin bravache, pale d’égal à égal avec ses supérieurs hiérarchiques masculins. Maria, la religieuse qui se décide à enfreindre les règles auxquelles elle obéissait jusque-là. Ces deux femmes aux vies si opposées ne pouvaient que devenir amies quand leur sens de la transgression, leurs forces de caractère se rejoignent. Avec ces deux personnages, Les Innocentes tire cette histoire difficile et dramatique vers la lumière, en bâtissant un terrain  d’entente et d’harmonie, entre des modes de vies et de pensées bien différents. Mathilde et Maria ne se reverront probablement pas après les évènements du film, mais leurs vies auront été transcendées.

 

Claude D’Arcier - Avril 2016

 

 


Réactions d'internautes

       

 

 

Le film sur Allocine

 



 

Haut de page