Visionnaire de l'invisible
Le Cinéma
Café society
Réalisateur : Woody Allen
Sortie : 11 mai 2016
New York, dans les années 30. Coincé entre des parents conflictuels, un frère gangster et la bijouterie familiale, Bobby Dorfman (Jesse Eisenberg) a le sentiment d'étouffer ! Il décide donc de tenter sa chance à Hollywood où son oncle Phil (Steve Carell), puissant agent de stars, accepte de l'engager comme coursier. À Hollywood, Bobby ne tarde pas à tomber amoureux de Vonnie (la ravissante Kristen Stewart), la secrétaire de son oncle. Malheureusement, la belle n'est pas libre et il doit se contenter de son amitié. Jusqu'au jour où elle débarque chez lui pour lui annoncer que son petit ami vient de rompre. Soudain, l'horizon s'éclaire pour Bobby et l'amour semble à portée de main…
Woody Allen a 80 ans. Sa carrière prolifique de scénariste, acteur et réalisateur a été récompensée par quatre Oscars. Café Society est son 46e film. C’est les 14 e fois qu’un de ses films est présenté au festival de Cannes, toujours hors compétition, à sa demande. Et c’est la 4e fois qu’il fait partie des films choisis pour l’ouverture du festival. Cette année, son film regorge de dictons, comme ‘’L’amour sans retour fait plus de victimes que la tuberculose’’ ou ‘’La vie est une comédie écrite par un auteur sadique’’… Avant même d’être révélé à Cannes, le film a fait parler de lui car il est produit par Amazon. C’est une révolution à plus d’un titre : ces nouveaux acteurs économiques du cinéma ont permis à W. Allen de bénéficier du plus gros budget de sa carrière (30 millions de dollars), bien supérieur à son enveloppe habituelle. Si Woody Allen n'apparaît pas dans le film, c'est lui qui raconte, en voix off, les détails de cette histoire qui a toutes les chances d'être proche de la sienne. Il est absent de l'image, mais en fond, lors de certaines scènes, à travers certains gestes et la manière de prononcer les mots, il transparaît et il devient aisé de comprendre à travers quel personnage il se met en scène. Il est donc ici ce jeune homme mal dégrossi qui débarque de Brooklyn à Hollywood, et qui va vivre l'une des plus grandes tragédies amoureuses qui se puisse imaginer. Avant de retourner vivre à Manhattan.
Woody Allen a confié les images de son film à son directeur de la photographie. Vittorio Storaro, 75 ans, qui a réussi à donner une grande magie à ce film très riche en couleurs chaudes. Ici, l’image sert des décors qui réussissent à reconstituer l’atmosphère des années 30 à Hollywood ainsi que ceux des films de cette époque. On voit apparaître de grands acteurs comme Katharine Hepburn ou Cary Grant discutant avec Spencer Tracy. Une nouvelle fois, Woody Allen allie la nostalgie et l'amour du cinéma qui fut celui de sa jeunesse. Une fois encore Woody Allen traite avec légèreté des choses graves, avec l’élégance qui traverse toute ses films. Café society, rappelle cette époque où il était de bon ton de fréquenter les cabarets où se mêlaient les vedettes de l'écran, les politiciens et les gangsters, et qui furent aussi des lieux de création du jazz si cher au réalisateur.
"Café Society" est sans doute l'un des films les plus aboutis de Woody Allen. Beaucoup d'amour qui n’arrive pas à terme, beaucoup de jazz, le monde du cinéma américain en arrière plan, avec des touches d'humour dans quelques répliques à épingler au musée des bons mots, comme celui-ci :"Si le judaïsme avait promis la vie éternelle, il aurait sans doute eu davantage de clients’’ ; mais surtout une grande élégance et une légèreté dans la mise en scène qui adoucissent le malheur aussi bien que le passage inexorable du temps. Remarquons cette phrase prononcée par Jesse Eisenberg-Woody Allen, sans avoir l’air d’y toucher : "Il a fallu que j'aille dans beaucoup d'autres villes pour comprendre à quel point j'aimais New York". Elle ressemble à la signature d'un cinéaste qui, après avoir visité les plus grandes villes du monde comme Rome, Paris, ou San Francisco, revient chez lui avec des projets plein la tête dont la plupart, c'est sûr, seront désormais tournés entre Manhattan et Brooklyn.
Woody Allen a beaucoup misé sur la jeunesse, avec Jesse Eisenberg et Kristen Stewart en héros romantiques. Le premier joue de son éternel côté ado timide et complexé, alors que la star de Twilight est rarement apparue si belle et si touchante. Tous deux sont accompagnés de Steve Carell en tonton grincheux.. La scène finale, pleine de nostalgie, vaut presque à elle seule le déplacement.
Claude D’Arcier - Juin 2016
Réactions d'internautes