Visionnaire de l'invisible
La littérature
'Pourquoi je ne crois pas à la faillite du christianisme'
Eric de Beukelaer
Editions de la Nouvelle Cité - 2009
Agir pour que l’Église change afin de rester elle-même
Eric de Beukelaer, théologien et responsable du séminaire de Louvain-la-Neuve où il enseigne l’histoire de l’Eglise et le droit canon, se pose la question de savoir si le christianisme offre un ‘bon produit’ à nos contemporains. Pour réfléchir à cette question que beaucoup se posent aujourd’hui, l’auteur a écrit un livre intitulé Pourquoi je ne crois pas à la faillite du christianisme paru aux éditions de la Nouvelle Cité en 2009. Il procède en 7 étapes. Eric de Beukelaer rappelle d’abord que la Bible met le désert au cœur de l’expérience de la foi. La foi chrétienne est appelée à chercher une présence au cœur du désert, le lieu de la tentation et du combat. Le désert est au cœur de chaque homme. Au cœur de chaque vie se trouve un désert, un espace de solitude radicale, lieu d’une rencontre de Dieu avec l’homme. Le peuple de Dieu en Europe ne traverse-t-il pas un désert au début de ce XXIème siècle ? L’auteur souligne ensuite que la puissance de Dieu se manifeste dans la faiblesse. L’auteur compare l’aventure de la foi à une navigation en haute mer ou le pilote ajuste les voiles au gré du vent. Personne n’a les pieds sur la terre ferme. Il faut beaucoup d’humilité pour arriver au port. L’expérience de l’exil à Babylone (-587 à -538 ) qui fut une véritable tempête de l’histoire du peuple Hébreux ne lui a-t-elle pas donné la possibilité de passer d’une religion politique et culturelle à une spiritualité universelle ?
Nourri de la première alliance, le chrétien donne sa foi à Jésus qui se révèle pleinement Dieu en étant pleinement humain. Jésus était un juif de son époque, plongé dans sa culture. Il invite à une conversion du cœur alors que beaucoup attendent de lui une amélioration des conditions de vie. Il se méfie quand quelqu’un l’identifie à Dieu. Sa liberté intérieure et son autorité spirituelle sont impressionnantes. L’œuvre de l’Esprit en lui le rend contagieux de Dieu.
Les étapes suivantes ont trait à l’aventure de l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui. L’Eglise professe et célèbre Jésus-Christ. Dans ce chapitre, l’auteur relit la confession de foi et les sacrements pour les hommes façonnés par la culture contemporaine. Ensuite, il souligne combien le christianisme peut être fécond s’il se rend accueillant aux dons de Dieu. « Le Christ n’est pas un médicament… Le travail de l’Eprit sur une âme n’est pas chirurgical. » (p.156) En faisant don de la foi, l’espérance et la charité, l’Esprit restaure lentement l’unité profonde de la personne. L’Evangile peut être une Parole au cœur de la cité et de l’histoire grâce à la présence active des chrétiens. Cette parole est invitation à la réflexion qui enfante un monde nouveau.
Mais l’Eglise a-t-elle encore un avenir ? Oui, à condition qu’elle change pour rester elle-même. Il ne s’agit pas de quitter l’Eglise pour le monde. Ni quitter le monde pour une Eglise en dehors du temps. Il s’agit de participer à la construction de l’Eglise bien dans notre monde. « C’est sur une évangélisation qui ose l’inculturation que je parie. Seulement à ce prix, l’Eglise sortira raffermie de la crise… » (p.226) C’est aussi en découvrant les trésors des autres Eglises et des autres religions et en les intégrant à son propre patrimoine que l’Eglise restera fidèle à l’Evangile, Bonne Nouvelle pour l’humanité.
L’auteur qui est porte-parole francophone des évêques de Belgique s’exprime dans ce livre à titre personnel.
Cette remarque est importante car ce livre donne envie de réfléchir, de contester certains points de vue, de prolonger telle ou telle réflexion, d’agir pour que l’Eglise change afin de rester elle-même.
R P
Illustration de © Robert de Quentin