Visionnaire de l'invisible
La littérature
Savonarole et Botticelli : deux façons d’annoncer l’Évangile
Au 15ème siècle, à Florence, Savonarole et Botticelli, deux personnalités influentes vivent dans la même cité et à la même époque.
Botticelli, un immense peintre allié aux Médicis. A l’aide du commentaire éclairant de Michel Feuillet, professeur à l’université Lyon III et spécialiste de la culture italienne, nous découvrons sur les toiles du peintre l’élite de Florence. Dans une de ses peintures, ‘l’Adoration des mages’. nous pouvons reconnaître parmi les personnages entourant la Vierge, le poète Poliziano entourant tendrement son maître Laurent le magnifique et, à côté d’eux, montrant la Vierge, Pic de La Mirandole. Le trio formé représente l’élite culturelle de Florence d’alors. » (p.37) En présentant au lecteur ce qu’exprime le grand tableau intitulé ‘Le Printemps’, M. Feuillet explique pourquoi Botticelli abandonne l’iconographie chrétienne qui caractérisait les peintures de l’époque pour exprimer dans un nouveau langage la foi chrétienne. Aux yeux de Savonarole, Botticelli est non seulement complice du pouvoir tyrannique des Médicis mais il commet une faute beaucoup plus grave. Ce peintre s’inspire des œuvres mythologiques grecques car ils pensaient qu’elles n’étaient ni ‘païennes’, ni opposées au dogme chrétien.
Savonarole fait de la lutte contre la déchéance de sa ville et du gouvernement de l’Eglise sa raison d’être : « Je ne pouvais supporter la grande maladie des peuples de l’Italie devenus aveugles, et d’autant plus que je voyais la vertu abaissée, éteinte, et les vices exaltés. » (p. 24) Savonarole prêchait l’enfer que Dieu réservait aux infidèles. Nous pouvons comprendre les colères du dominicain quand on se rappelle l’époque : d’une part l’emprise des Médicis sur la ville blessée par le vice et d’autre part la vie loin d’être exemplaire des papes et de leur entourage. Mais pourquoi ne prêche-t-il pas aussi l’amour lucide et plein de tendresse de Dieu pour l’humanité ?
Une vision du monde sépare profondément ces deux personnalités. Alors que Botticelli part « d’une sublimation de la réalité jusqu’à s’élever jusqu’à Dieu », Savonarole pense et proclame que seule « la beauté de l’âme peut amener à Dieu qui est la seule source de beauté. » (p.51) Alors qu’à Florence les artistes s’inspirent de la mythologie et les intellectuels se ressourcent auprès de Platon pour partager la Bonne Nouvelle dans un langage qui s’enrichit de la culture humaniste, Savonarole prêche un christianisme supérieur et indépendant des croyances païennes. Pour le prédicateur de feu, seule, la vérité révélée par le Christ et annoncée par les prophètes peut être source unique de connaissance.
Savonarole sera condamné au bûcher. Aujourd’hui, certains qui jettent le même regard sur le monde et sur certains membres de l’Eglise que Savonarole, demandent un procès en canonisation pour ce frère dominicain qui fut promoteur d’une réforme que ‘les justes’ attendaient.
Illustré de nombreuses reproductions, le livre de M. Feuillet dépeint d’une façon très fine la complexité de ces deux personnalités, l’une faite de contradictions et de compromis intérieurs, l’autre animée par un purisme intransigeant, l’une tournée vers le monde et sa beauté, l’autre tournée vers la beauté du ciel et le feu de l’enfer.
Octobre 2010
R.P.