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Visionnaire de l'invisible
La littérature

‘Noël et le mystère de l’incarnation’
Raymond Winling
(Cerf 2010)

 

 

L'Incarnation, un nouveau départ pour l'homme

 

 Raymond Winling, professeur émérite de la faculté théologique de Strasbourg en dogmatique, nous aide à voir une vision plus profonde, plus juste de « Noël et le mystère de l’incarnation » qui vient de paraître aux éditions du Cerf

Dans les premiers chapitres, l’auteur rend compte de la fête de Noël et de son contenu théologique selon des approches historique, théologique et liturgique. Il souligne non seulement que les pères de l’Eglise « ont font valoir que Dieu s’est fait connaître partiellement aux non-juifs et qu’à des titres divers, il s’est intéressé à leur salut. » (p.30) mais aussi que les païens sont animés par un instinct religieux qui leur fait pressentir une présence cachée qui prépare le monde à l’avènement du Christ    

Relire avec l’auteur les récits de la naissance de Jésus permet de découvrir le message que fait passer Matthieu et Luc. Prenons quelques exemples. Dans le récit de l’annonciation, Dieu vient sur Marie et repose sur elle ‘l’énergie toute-puissante et créatrice de Dieu’. Son ‘oui’ dit sa disponibilité à collaborer au dessein de Dieu. Des événements politiques collaborent aussi à leur façon à l’avènement du Fils de Dieu. Ils participent à la venue du Fils de Dieu dans notre histoire puisque c’est un recensement qui provoque Marie a enfanté à Bethléem, l’humble origine de David (et non Jérusalem qui va être privée pour un temps de son importance traditionnelle de centre religieux.)  Quant à Joseph, en adoptant Jésus, il fait acquérir à Jésus un statut social qui lui permettra d’entrer dans une lignée, dans un peuple, sa culture et ses traditions. La famille de Jésus va jouer un rôle important dans l’accueil de ce nouveau-né : dans la communauté primitive, le premier évêque de Jérusalem ne sera-t-il pas Jacques, ‘frère du Seigneur’? Cette mise en perspective est très importante  car ce mystère continue aujourd’hui son aventure dans l’histoire humaine. Maxime le confesseur, père de l’Eglise,  proclame que « le Verbe de Dieu veut réaliser en tous les hommes le mystère de son Incarnation. ». Jésus porte plusieurs titres mais celui qui est plus spécialement lié à la nativité est ‘Lumière qui a luit dans les ténèbres et éclaire tout homme’. Dès sa naissance, Jésus éclaire, illumine révèle. Sa gloire est l’éclat lumineux qui émane de Lui et qui rayonne la puissance divine à travers tous les événements de sa vie.

La littérature apocryphe et le Coran nous apprennent que la naissance de Jésus a fait l’objet de débats passionnés. Dieu fait homme est une réalité qui choque et les controverses montrent la complexité de la question : certains insistent tellement sur la dimension supraterrestre du Christ qu’ils en arrivent à nier son humanité. Ceux qui insistent sur l’humanité de Jésus en viennent à nier sa divinité. La ‘grande Eglise’ qui est toujours restée fidèle aux évangiles a continuellement défendu que le Christ est à la fois Dieu et homme. Mais elle pressentait en même temps l’exigence de définir de façon plus précise les rapports entre Dieu le Père et Celui qui est son Fils et établir la pleine humanité du Christ. C’est au prix d’âpres débats durant les conciles de Nicée 325, d’Ephèse en 431  et de Chalcédoine en 451 que les évêques arriveront à formuler dans le langage culturel de l’époque la foi la Trinité et Jésus, vrai Dieu et vrai homme, né de la vierge Marie. C’est aussi à cette époque qu’est instaurée la fête de Noël qui célèbre la naissance de Dieu le Fils fait homme : une façon pour le peuple chrétien de participer à l’approfondissement d’une vérité proclamée depuis la naissance de l’Eglise.

              Après avoir décrit l’histoire de la fidélité de l’Eglise à la vérité proclamée dés le début de l’Eglise, l’auteur rappelle que les Pères de l’Eglise  « établissent couramment un lien entre le Dieu créateur et le Dieu sauveur, entre la création et la re-création liée à l’Incarnation. » (p.141)

 

Quelques réflexions au sujet de la spiritualité conforme à la fête de Noël :

Le livre du Père Winling se termine par un chapitre qui peut être lu comme une véritable invitation à vivre spirituellement et dans notre chair la nouveauté radicale que révèle le mystère de l’Incarnation.  Ces lignes denses nous aident à approfondir notre vision de l’Incarnation et en parler dans un langage qui résonne dans la culture d’aujourd’hui.

Dieu montre par l’Incarnation de son Fils le grand prodige de son humilité. Dieu a voulu partager la condition humaine, devenir un membre d’un peuple précis, être inséré dans une culture spécifique et parler de Dieu et à Dieu dans une langue précise. Bien que c’est dans un lieu obscur qu’il a été façonné par une culture marquée par une tradition religieuse censée remonter jusqu’à Moïse et l’Alliance au Sinaï et marquée par une histoire houleuse, il parvient par sa vie à exprimer l’amour de Dieu aux hommes de toutes les cultures.

              L’Incarnation du Fils de Dieu donne une nouvelle vision de ce qu’est la puissance créatrice de Dieu qui continue à intervenir dans l’histoire de l’homme en demandant à l’homme sa participation tout en respectant pleinement de sa liberté. Le chapitre sur Marie restée vierge illumine l’amour créateur de Dieu qui donne une dimension insoupçonnée à la liberté de l’homme. Le mystère de l’Incarnation est révélateur de ce qu’est l’homme et de ce qu’il est capable de réaliser quand il est accueillant à Dieu. L’Incarnation nous provoque à avoir une nouvelle vision de la libération apportée par la venue dans notre chair de Dieu, libération de l’angoisse, de l’impuissance, des servitudes de toute nature...une libération qui marque un nouveau départ pour l’homme.

Benoît XVI écrit dans son livre ‘Lumière du monde’, qu’il est urgent de «rendre visible le centre du christianisme et en même temps la simplicité d’être chrétien ». Le livre du Père Winling répond à cette attente.   

Novembre 2010
R. P.

 

 

L'article de l'éditeur

 

 

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