Visionnaire de l'invisible
La littérature
'Le Génie du christianisme'
Chateaubriand / Emmanuel Godo
(Cerf 2011)
Réconcilier le christianisme avec le siècle des Lumières
Chateaubriand est un laïc dont la foi a été ébranlée plus d’une fois. Son génie est d’avoir su trouver une langue inédite pour inscrire la foi dans son temps marqué par la Terreur et par Voltaire. Des critiques ont trouvé que, dans le Génie du christianisme, Chateaubriand défend la religion catholique dans un style tellement lyrique que son œuvre manque de profondeur, laissant trop de place à l’émotivité et manquant de solides bases théologiques. N’empêche que son livre a eu un impact profond sur la société française de son époque.
Emmanuel Godo, professeur de littérature et écrivain commente en un long chapitre le pourquoi de ce succès. Sa réflexion est très éclairante. Elle ouvre des perspectives intéressantes à tous ceux qui s’interrogent sur les relations que l’Eglise doit avoir avec la société marquée par le siècle des Lumières.
Chateaubriand est un écrivain romantique qui a su décrypter dans le chaos de son temps les germes de vérités qui y étaient enfouies. Il n’est pas parti de la foi mais de ce que vivait la société à son époque. « Le christianisme n’est pas là pour engloutir les Lumières mais pour les rendre viables en leur redonnant le sens du sacré et de l’humain, le sens du sacré donc de l’humain. » (p. 77) Pour cela, il a su redécouvrir le christianisme sans tomber dans la tentation de la restauration.
Chateaubriand a trouvé le vocabulaire et un style pour parler dans le langage de ses contemporains et créer un lien entre le siècle des lumières et la foi. « Le mérite du Génie est bien d’avoir traduit la religion en une langue contemporaine, intelligible, capable de parler à des êtres certes orphelins voire victimes des idéaux des Lumières mais néanmoins façonnés par eux. …Il convertit le christianisme à une forme de modernité qui lui permet d’être de nouveau un objet de désir collectif, un enjeu politique et même un facteur de progrès. » (p. 63 et 69)
Ce commentaire d’ Emmanuel Godo est précédé d’un choix d’extraits des œuvres de Chateaubriand.
RP - avril 2011