Recherche dans le site

 

 

 

 

 

Accéder à la liste par AUTEUR

 

Accéder à la liste par TITRE

 

Accéder à la liste par THÈME

 

La page des livres non encore listés

 

L'ouvrage précédent :
Joie, poésie et héritage biblique

L'ouvrage suivant :
Comment parler de Dieu

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Visionnaire de l'invisible
La littérature

'La vie vivante contre les nouveaux pudibonds'
Jean-Claude Guillebaud
(Les arènes- 2011)

 

Nouvelles dominations et mutations culturelles

Dans son dernier livre, ‘La vie vivante  Contre les nouveaux pudibonds’ paru aux éditions ‘Les arènes’, Jean-Claude Guillebaud, essayiste et journaliste,  a des expressions très pointues pour décrire les mutations culturelles actuelles, mutations qui s’expriment souvent dans notre société par de nouvelles dominations.

Une inflexion décisive qui est en cours, modèle l’aventure humaine. Elle crée dans l’esprit de nos contemporains un certain désarroi, notre époque échouant à se définir elle-même. Depuis que l’homme s’est sédentarisé, il avait un rapport durable au territoire, à la continuité culturelle. Aujourd’hui, l’homme est redevenu nomade. La mobilité est devenue principe organisateur. L’auteur cite Aragon pour définir ce changement culturel : « J’arrive où je suis étranger. » (p.15) Nous sommes délogés de nos vies. Ce nomadisme façonne notre vie, nos idées, nos convictions, nos engagements.

 

Ce qui différencie les hommes entre eux, ce n’est plus les traditions culturelles, les dépendances, les coutumes mais l’agilité cognitive.   

Comme l’écrit C. Lash dans ‘La culture du narcissisme’ : « La passion dominante consiste à vivre dans le présent – vivre pour soi-même, pas pour vos prédécesseurs ou votre prospérité. »      L’admission dans un réseau semble aujourd’hui plus importante que le désir de posséder. Les droits humains finissent par se limiter à ceux qui auraient une base scientifique et à ceux qui seraient librement choisis.

  • Aussi, bien des questions taraudent nos contemporains : En  cherchant à se défaire du vieil ordre patriarcal, hétérosexuel et masculin, nos contemporains ne cherchent-ils pas à se protéger de la brutalité du réel ?
  • Les progrès technologiques, laissant de côté l’aspect éthique, ne permettent-ils pas à l’homme de rêver à l’accession à l’immortalité, à la puissance absolue, à la jouissance parfaite ?
  • « Comment une société moderne qui pratique continûment un éloge du corps, de la beauté, de la jeunesse, peut-elle favoriser en même temps – et sans toujours s’en rendre compte – le dénigrement de la nature physique de humains ? » (p. 167)
  • En privilégiant la numérisation, l’immatériel, ne refuse –t-on pas le réel ?
  • La gouvernance par les nombres prend-t-elle en compte la souffrance la liberté, la santé, la sécurité ?
  • Le monde moderne ne risque-t-il pas de désincarner tout ?
  • La subjectivité humaine jetée aux oubliettes, la vie est-elle vivante ?

Le livre de Jean-Claude Guillebaud est beaucoup  plus riche et nuancé que laisseraient penser les quelques extraits présentés ci-dessus.

 « Cacher, nier, congédier, diffamer le corps et la vie vivante participent bien d’un effrayant déni. » (p.254) Les religions n’ont-elles pas participé à ce déni, elles qui par essence, seraient prudes ? Dans l’hindouisme et le bouddhisme, la chair humaine et la foi religieuse ne semblent pas faire bon ménage. Pourtant, la tradition charnelle du Kama- sutra est bien oubliée aujourd’hui.

« Si l’on s’en tient aux textes fondateurs, l’islam  est plus sensuel, plus voluptueux, plus charnel que la plupart des autres religions. »

Quant au christianisme, deux courants l’ont toujours traversé. La culture médiévale a réussi à faire vivre ensemble ces deux courants : le carnaval et le carême : ‘D’un côté le maigre, de l’autre, le gras.’  Cette culture a réussi à sauvegarder ‘l’âpre saveur de la vie. ‘ Au 18ème siècle, en condamnant les débordements de la chair, le christianisme a en fait rallier l’esprit bourgeois et une pruderie d’inspiration scientiste. Et pourtant « le christianisme est la seule religion monothéiste à placer au cœur de son message le thème de l’Incarnation’ c’est-à-dire une glorification de la chair, voire une mystique de la chair. » (p.266)

Citant R. Scholtus, « Pour que le neuf advienne, il ne suffit pas de le décréter, il ne suffit même pas de prendre des initiatives et d’agir, il faut inlassablement l’attendre et le guetter, le surprendre et l’accueillir. » Le neuf peut venir d’ailleurs. La recherche d’un certains nombre d’intellectuels n’ont pas peur aujourd’hui d’affronter le scandale de l’Incarnation. « Le corps, ainsi glorifié par le ‘scandale’ de l’incarnation, est le lieu où tout se noue. Il n’est pas un simple amas de cellules ou de gènes, ni une ‘illusion’ dont il faudrait de dépendre, il est une réalité à la fois souffrante et heureuse, hors de laquelle rien n’advient. » (276)  Nous sommes notre corps. L’Eglise, en proclamant que le corps est le Temple de l’Esprit-Saint n’a-t-elle pas à se nourrir de ces recherches ? N’a-t-elle pas une mission vitale à remplir dans le monde d’aujourd’hui, elle qui a toujours proclamé que le ‘Verbe s’est fait chair’ ?

 

Juin 2011 - R. P.

 

 

L'article de l'éditeur

Haut de page