Visionnaire de l'invisible
La littérature
Les sacrements : Sept clés pour la vie
Christian Salenson
(Desclée de Brouwer - 2012)
Quand la modernité vient éclairer notre expérience spirituelle
S’agit-il d’un livre de théologie ? Non ; mais il est très théologique. S’agit-il d’un livre de spiritualité ? Non ; mais il est très spirituel. S’agit-il alors d’un livre de pastorale ? Pas davantage ; mais il est très pastoral. Comment le définir ? Voici ce qu’en dit l’auteur, à propos d’un chapitre sur l’eucharistie : « La tradition de l’Église s’est longuement interrogée sur le mystère de la présence dans lequel le sacrement de l’eucharistie fait entrer. Notre propos n’est pas de reprendre ces débats importants mais grâce à eux de rejoindre l’expérience humaine spirituelle dans laquelle cette Présence est vécue. » (p.90) Ce livre relève de ce que l’on appelle la « mystagogie », comme l’exprime bien le sous titre : Sept clés pour la vie.
En dix chapitres de moins de vingt pages et diversement répartis (3 pour le baptême et la confirmation, 3 pour l’eucharistie, 1 pour chacun des 4 autres sacrements : réconciliation, malades, mariage et ordre), Christian Salenson fait en quelque sorte « parler » les rites sacramentels à travers leurs les gestes, leurs symboles. Chaque chapitre fait une unité, si bien que l’on peut commencer par n’importe lequel, même s’il est paraît recommandable de lire ensemble et dans leur ordre ceux qui ont trait au même sacrement.
Notre théologie classique pense les sacrements avec les catégories de la physique, qui concerne les choses : des « causes » produisent des « effets ». Aujourd’hui, cela conduit à certaines impasses inextricables : qui peut croire, par exemple, que Dieu commence à aimer son enfant le jour où on lui fait couler un peu d’eau sur la tête ? Pourtant, il est important ce baptême !... Nous avons la chance de vivre une époque où les sciences humaines et la philosophie du langage se sont efforcées de penser la relation humaine et le symbole : il s’agit de l’Homme, et non plus simplement de choses. Cela ouvre des perspectives nouvelles à notre compréhension des sacrements, comme le montre bien Louis-Marie Chauvet depuis plus de trente ans. Christian Salenson se situe dans cette mouvance, dont la fécondité n’est plus à démontrer. Sa démarche est aussi nourrie de ses années d’enseignement des sacrements au séminaire d’Avignon, des vastes horizons ouverts par son expérience du dialogue interreligieux avec l’ISTR (Institut de sciences et théologie des religions) de Marseille, et de sa riche expérience pastorale.
Mais il ne faudrait pas s’imaginer que la lecture de ces Sept clés pour la vie demande un diplôme de philosophie ou de théologie. Elle ne demande rien d’autre que d’aimer la vie et de laisser retentir les mots dans son « expérience humaine spirituelle » ou, si l’on préfère, dans son cœur. Elle est accessible à tous, même si tel ou tel paragraphe peut être un plus difficile : « Les sacrements sont des clés pour la vie. A qui veut comprendre sa vie, il est offert un trésor de sens, un trésor de vie » (p.7).
Ce livre est un véritable enchantement. On peut le lire et le relire plusieurs fois, méditer tel ou tel passage, tellement il fourmille de phrases fortes, éclairantes, qui trouvent un écho profond dans l’expérience humaine, spirituelle, universelle. L’expérience chrétienne en reçoit une force et une dimension dont nous avons grand besoin, aujourd’hui où elle est méconnue, voire décriée.
Voici, pris entre mille et à titre d’exemple « apéritif », ces mots sur l’amour du couple, si fragile aujourd’hui : « Tous ne sont pas mariés religieusement mais tous peuvent faire l’expérience du mystère que le mariage sacramentel désigne. Le rite sacramentel (…) révèle que l’amour dont quelqu’un est aimé est sacrement de l’amour de Dieu pour lui. (…) Ceux qui ont foi en cette alliance humaine comme alliance de Dieu avec eux trouvent là beaucoup de force et d’assurance pour grandir dans cette relation et dans leur relation avec Dieu. » (p155)
Voilà un livre qui éclairera et libèrera l’attente de bien des gens.
Août 2012, Jacques Teissier