Visionnaire de l'invisible
La littérature
Jésus cet homme inconnu
Christine Pedotti
(XO éditons - 2013)
Jésus sous le regard d’une de ses disciples
« On médite surtout sur l’abaissement de Dieu qui se fait humble et pauvre et naît dans la paille d’une étable. Il n’est nullement question de s’interroger sur l’homme que fut Jésus. » (p 11) S’interroger sur un obscur prophète juif au fond d’une province de l’Empire qui a été crucifié ? Comme l’écrit au 2ème siècle Lucien de Samosate, il faut manquer de jugement pour adorer comme un dieu un homme qui a été crucifié.
Christine Pedotti, très au fait des recherches bibliques actuelles, ne manque pas de jugement. Son livre, Jésus, cet homme inconnu, a le grand mérite d’inviter le lecteur à faire une démarche profondément humaine et spirituelle. L’auteur a mis ses pas dans ceux des quatre évangélistes pour découvrir, avec son regard et sa sensibilité de femme, l’homme que fut Jésus. En faisant cette démarche, elle a bien conscience que les évangiles sont d’abord de l’ordre spirituel avant d’être un récit historique au sens moderne du terme. Ce qui ne veut pas dire que les faits, rapportés par les évangiles, sont faux. Il faut faire silence intérieurement pour pouvoir entrer dans le mystère de Jésus, se mettre à l’écoute du sens qu’il donnait à ses paroles, ses gestes. Christine Pedotti le fait en scrutant le visage, les gestes et les paroles de Jésus avec son cœur de femme. Jésus n’est pas pour elle une réponse mais une question. Beaucoup de lecteurs risquent d’être déstabilisés de découvrir Jésus avec d’autres yeux que ceux des hommes, tellement nous avons été habitués à scruter le visage de Jésus avec des yeux d’hommes.
L’auteur réussit à faire un portrait de Jésus ô combien vivant en tenant compte des recherches historiques et bibliques actuelles. Elle le fait dans des chapitres imprimés sous un certain caractère et, sous un autre caractère, elle exprime ce qu’elle ressent comme femme, en mettant ses pas dans ceux de Jésus.
Prenons un simple exemple parmi bien d’autres. Des juges demandent à Jésus s’il faut, selon la loi, lapider cette femme qu’il présente à Jésus car elle a été prise en flagrant délit d’adultère. La façon dont Jésus répond à leur question les fait abandonner la partie. Jésus se tourne alors vers la femme et lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, désormais ne pèche plus. » Ecoutons le commentaire de Christine Pedotti : « Hélas, au cours de siècles, ce texte comme tant d’autres, a été lu dans un esprit de morale étriquée. Ce ‘ne pèche plus’ a été interprété comme un pardon accordé ‘sous condition’, c’est-à-dire ‘à condition qu’elle ne pèche plus’ Or, cette femme est sauvée sans condition et c’est parce qu’elle entend la parole de Jésus qui ne la juge pas qu’elle peut enter dans une vie libérée du péché. De plus, Jésus, en déniant à ses accusateurs la légitimité de la juger, l’a libérée du contrôle exercé sur elle par les hommes… Il (Jésus) introduit une forme de subversion inacceptable de l’ordre des choses. » (p 255) La venue du royaume de Dieu pour Jésus signifie la fin de toute oppression.
A l’époque de Jésus, les disciples, femmes et hommes, suivaient Jésus. Il n’y avait pas d’équivalent dans la sphère rabbinique. Paul, fidèle à Jésus, n’a pas hésité à nommer ‘apôtre’ une missionnaire appelée Junia. (Rom 16,7).
Les disciples de Jésus du 21ème siècle ont non seulement besoin du regard des femmes pour pénétrer plus profondément dans le mystère de Jésus mais aussi besoin que le service de l’Evangile soit porté par des hommes et par des femmes.
‘Qui suis-je pour vous ?’ a demandé Jésus à ses disciples. Chacun est libre de sa réponse. Pour Christine Pedotti, elle répondrait à Jésus qu’il est « un homme à nul autre pareil, qu’il était pleinement homme et cependant plus qu’un homme; qu’il était Dieu et qu’il est venu marcher sur la terre de Galilée et de Judée, et que le connaître, l’aimer et le suivre donne sens et bonheur à sa vie. » (p 343)
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Mars 2014 - Robert Pousseur
