Visionnaire de l'invisible
La littérature
Une goutte d'eau et l'océan
Thierry de Montbrial
(Albin Michel - 2015)
Quel sens donner à notre vie ?
Aujourd’hui, une question travaille plus ou moins consciemment l’homme contemporain : quel sens donner à ma vie ? Poser cette question est accepter lucidement que la mort sera au bout du chemin que chacun parcourt. Il est vrai chercher une réponse à cette question se butte à bien des obstacles dressés par notre culture. Aujourd’hui, la société de consommation amène chacun à combler son désir le plus rapidement possible. Comme la vie dure de plus en plus longtemps, on hésite à s’engager pour la vie que ce soit dans un rapport amoureux, dans le travail, sur une terre. Certains pensent que seul Dieu, qui promet le paradis à ceux et celles qui prennent au sérieux sa parole proclamée par le prophète peut donner un sens à sa vie et à sa mort. Que l’on soit croyant en Dieu ou pas, quand la retraite arrive et que la santé se détériore, on se butte sur l’inutilité de sa vie et une vie inutile n’a aucun sens.
Deux auteurs ont pris très au sérieux la recherche du sens à donner à sa vie. Pour eux deux, nous sommes des êtres ‘visités’ par un membre de la famille, un ami, un voisin, un livre ou une revue, un artiste, un scientifique, un politique… Quand la visite se transforme en dialogue, celui qui est accueilli ne garde pas pour lui ses habits mais en fait cadeau à celui qui a ouvert sa porte et se laisse habiller par son hôte.
Le livre de Thierry de Montbrial, membre de l’Académie des sciences morales et politiques et fondateur de l’Ifri (Institut français des relations internationales) en est un très bel exemple. Cherchant le sens à donner à sa vie, il s’est laissé visiter alors qu’il cherche des points de repères dans un monde affolé par le feu et le bruit. « Je suis de ceux pour qui tout a un sens et qui sont sensibles au Mystère. Si le nouveau millénaire commence sous de moins bons auspices que le rêve néo-hégélien de la fin de l’histoire, c’est peut-être parce que une crise est nécessaire pour rappeler à l’homme les fondements de sa condition. » (p 348)
Retenons quelques visites. En 1977, il est visité par les réflexions de l’écrivain Clavel qui veut le retour de la vraie philosophie qui refuse de réduire celle-ci à une synthèse des sciences humaines qui nient toute transcendance. En 1980, il rencontre le photographe et peintre Jacques Lartigue : » Nous parlons notamment de cette idée qui m’est chère : seuls les hommes qui sont allés assez loin dans une direction d’ordre scientifique, artistique, philosophique, théologique, ou dans la contemplation, ont une expérience de l’absolu. » (p 26) En 1994, rencontre avec le cardinal R. Etchegaray qui a un regard sur le monde assez lucide pour lui dire que tant que l’on se battra au nom même de la religion, c’est le cynisme qui prévaudra. Cette même année, il invite à l’Académie un des grands spécialistes de l’Islam qui cherche à démontrer que la dimension conquérante de l’islam est inscrite dans le Coran, alors que l’on ne découvre rien de tel dans les Evangiles. Grâce à ses ‘visites’, la vie devient non seulement une quête de sens mais permet à chacun de verser une goutte d’eau dans l’océan.
L'autre livre traitant du sujet sur la page suivante
Mai 2015 - R. Pousseur