Visionnaire de l'invisible
La littérature
L'abeille (et le) philosophe
Pierre-Henri et François Tavoillot
(Odile Jacob - 2015)
L’abeille n’a jamais mangé un animal et se nourrit de fleurs
Nous vivons un bouleversement culturel sans précédent. Nous étions devenus des agriculteurs de la connaissance grâce à l’écriture qui oblige à mûrir sa pensée, à la structurer et à faire marcher sa mémoire. Nous sommes devenus des cueilleurs devant notre PC. Il n’est même plus besoin de faire travailler sa mémoire car nous mettons tout sur le disque dur. La conséquence d’être devenus des cueilleurs est que le temps est réduit au présent.
Resterons-nous philosophe nous interrogeant sur le sens de la vie en nous nourrissant de la sagesse des anciens ? Notre raison nous délivrera-t-elle des émotions qui nous enferment dans le présent ?
C’est dire que le livre ‘L’abeille (et le) philosophe’ est le bienvenu. Deux frères, l’un philosophe, l’autre apiculteur, nous offrent un ‘étonnant voyage dans la ruche des sages’. Les auteurs ont été impressionné par « l’omniprésence de l’abeille dans la plupart des moments clés de l’histoire de la pensée occidentale… Elle était là, comme le témoin privilégié de l’épopée de l’esprit. » (p235)
Il est étonnant de découvrir qu’au cours de l’histoire, beaucoup de penseurs ont cherché dans la ruche un guide de la vie, les secrets de la nature et les mystères de la culture. Beaucoup de penseurs ont partagé leur réflexions par des mythes qui ont pour fonction de répondre les questions que l’humanité se pose depuis la nuit des temps : quel est le sens de la vie, de la mort ? Quelle est l’origine des choses ? Quelle est la raison des lois, des règles, des interdits ?
Les sages, attentifs et instruits par les abeilles, ont cherché à éclairer les questions que les Hommes se sont posés de tout temps. Il est enrichissant et non dégradant de se rappeler que l’Homme fait partie du monde animal. Aristote a défini en ces termes l’abeille qui « est un insecte qui, à l’instar de l’homme, est à la fois prudent, politique et divin. » (p 38) Alors que l’abeille reçoit ces qualités par nature, l’homme doit s’efforcer de les cultiver par son savoir et par sa pratique. La nature ne fait rien en vain. Observer la vie des ruches permet d’approcher l’énigme du monde, de son organisation, de son unité et de sa diversité.
On prête à Einstein cette prophétie : ‘Si l’abeille venait à disparaître de la surface du globe, l’humanité n’aurait plus quatre ans à vivre. Plus d’abeille, plus de pollinisation, plus de plantes, plus d’animaux, plus d’homme.’ Et les auteurs de ce livre font remarquer que « L’abeille est perçue comme une sorte de miroir de l’humanité et le baromètre de son destin. Un miroir magique en quelque sorte, qui tiendrait la triple faculté de refléter, de modifier et de prédire la vie des hommes. » (p 10).
Novembre 2015 - R. Pousseur