Visionnaire de l'invisible
La littérature
Les Lumières de la religion - Entretien avec Élodie Maurot
Jean-Marc Ferry - Élodie Maurot
(Bayard - 2013)
Les religions peuvent apporter leur contribution
à la vie des sociétés démocratiques
On pense en avoir fini avec les religions sauf dans ses formes fanatiques, extrêmes ou folkloriques. Les intellectuels ne les considèrent plus comme objet de pensée vivant. Et pourtant la philosophie a été longtemps indissociable d’un dialogue critique avec les religions. Aujourd’hui, la question se pose : Est-ce que les religions peuvent encore apporter à la vie des sociétés démocratiques ?
Dans l’introduction, Elodie Maurot, journaliste au journal La Croix interroge le philosophe Jean-Marc Ferry, professeur de philosophie politique à l’université de Nantes. La philosophe introduit le débat par une constatation. Le libéralisme a permis et permet la libération de la communication et de la discussion publique. Les citoyens ont appris à se comprendre et à se tolérer les uns les autres. Mais les problèmes sociaux ont du mal à trouver leur juste place : les problèmes liés au débuts et à la fin de la vie, aux biotechnologiques, aux grèves d’organes, au mariage des personnes homosexuelles…
L’auteur met en relief que dans notre société, les problèmes sociaux ont bien du mal à trouver leur juste place. Or la politique doit s’occuper de la société juste et de la vie bonne. Or la religion a traditionnellement porté les questions relatives à la vie et à la mort, au bien et au mal, à la condition humaine.
Notre système légal a été influencé par la religion chrétienne.
Notre système légal renvoie à une vision du monde qui a été organisée dans la religion. Les religions possèdent une grande et longue culture, de riches et profondes traditions, un savoir-faire dans la traduction des intuitions morales et des expériences spirituelles. Nous avons du mal à justifier notre indignation quand nous apprenons qu’on risque d’euthanasier une personne dans le coma irréversible. Quels arguments pour justifier notre indignation ? La tradition chrétienne a un concept original de la personne humaine : un être qui est constitué de relations. Toute personne humaine a reçu un nom propre et, si elle est baptisée est enduite d’huile comme un roi. La religion est la source de certaines intuitions philosophiques. Il est aussi important de ne pas perdre de vue que les religions chrétiennes ont une dimension communautaire.
La religion est un protagoniste important pour des débats qui touchent à la vie, la mort, à la souffrance morale, à la vulnérabilité, à la faute, à la culpabilité, au pardon, à l’amour, à la réconciliation,à la dignité humaine, au sens de l’existence.
Chacun est maître de son jugement de conscience en ce qui touche à la liberté individuelle mais il ne l’est pas en ce qui touche à la vie. Le politique étant non compétant pour régler les questions touchant au sens de la vie, il a assigné la réflexion sur ces questions à la sphère la responsabilité individuelle et privée. Mais aujourd’hui, la diversité croissante des valeurs et des visions du monde s’accentue. Les catégories non juridiques sont en jeu.
Face à ces questions qui laissent démunis, on recourt à des intuitions héritées de la religion. Peut-on vendre son corps, se organes ? La morale ne peut pas prendre le relais du droit. Il faut faire appel à une contribution aux religions dans l’intention d’avoir avec elles un dialogue consultatif. Si on ne consulte pas les religions, non seulement elles risquent d’être marginalisées, mais de servir de ralliement à des forces réactives.
Exigences pour l’Eglise
Les chrétiens croient à la séparation du pouvoir politique et le témoignage de leur foi dans la vie de tous les jours qui se traduit par un amour universel et un combat pour la justice pour la liberté et la dignité de tout homme et femme, combat souvent mené avec d’autres.
Aujourd’hui, l’Eglise doit se poser la question sur son langage car elle est face à un problème de traduction sérieux. Les hommes ont tous une pensée religieuse enfouie, un fond archaïque de croyances. Pour être entendue, l’Eglise catholique doit revenir aux racines évangéliques de l’amour chrétien afin que l’amour fasse son chemin sous une forme séculière dans la société. L’amour du Père sera retrouvé à travers l’amour entre frères.
Dans le dialogue avec les responsables de la société, la religion chrétienne doit se rendre poreuse, perméable et sensible aux raisons séculières. Cet accueil de la raison des autres dans sa propre raison doit aboutir non pas à un à un consensus mais à un compromis.
Livre sur la démission du Pape et sur l'Islam
Personnellement impliqué non pas dans le dialogue inter religieux mais partie prenante d’un combat mené par des femmes musulmanes, chrétiennes et ‘non-croyantes’ pour la dignité des femmes et des filles musulmanes. Notre communauté paroissiale a accueilli dans ses locaux la communauté musulmane cherchant un lieu de prière. J’ai travaillé pendant des années avec des musulmans et des musulmanes. Ils étaient en grande partie contre la violence et le mépris des ‘infidèles’. J’ai été surpris par les courants divers qui traversent et divisent la communauté musulmane. Les français ignorent souvent le contenu de ces débats. Aussi, il nous a paru intéressant de présenter les débats qui traversent nos deux communautés.
La décision de Benoît XVI de renoncer à sa charge a mis l’Eglise catholique en question jusqu’à ses racines. Nous présentons dans la recension du livre ‘Le mystère du mal’ combien ce geste courageux du Pape qui a provoqué une véritable révolution dans la vie de l’Eglise.
Mai 2017 - R. Pousseur
