Visionnaire de l'invisible
La littérature
Le mystère du mal - Benoit XVI et la fin des temps
Georgio Agamben
(Bayard - 2017)
Le mystère du geste révolutionnaire de Benoît XVI
Pourquoi G. Agamben, un des philosophes contemporains les plus novateurs a intitulé sa recherche sur le geste de Benoît XVI qui renonça à sa charge : ‘Le mystère du mal, Benoît XVI et la fin des temps’ paru chez Bayard ?
Le pape a présenté sa démission au collège des cardinaux en évoquant une diminution de la vigueur de son corps et d’une infirmité de sa personne. La vraie raison de sa démission, « selon des sources anciennes nous informent que la vraie raison était à chercher dans son mépris ‘pour les actes de prévarication et de la simonie de la cour’ » (p 10) « Benoît XVI, a choisi de n’user que du pouvoir spirituel, de la seule manière qui lui semblait possible, c’est-à-dire en renonçant à l’exercice du vicariat du Christ. De cette façon, c’est l’Eglise même qui a été mise en question jusqu’à ses racines. » (p 14)
La démission du pape n’a pas été bien comprise car aujourd’hui les pouvoirs ont perdu toute conscience de la légitimité et on pense qu’on résout les problèmes que par l’action du pouvoir juridique. Nous prenons conscience que ce n’est pas en multipliant les lois que le vivre ensemble déjà bien complexe peut s’améliorer.
Comprendre le geste du pape
Le geste du pape ne peut se comprendre que si on se rapporte à la conception que le pape lui-même se faisait de l’Eglise. Le théologien Joseph Ratzinger, à l’âge de 30 ans, avait publié un article ‘Considérations sur le concept d’Eglise du théologien Tyconius’ : Le corps de l’Eglise a deux côtés ou aspects : un côté ‘gauche’ et un côté ‘droit’, un côté coupable et un côté béni, qui constituent pourtant un corps unique. Le corps de l’Eglise comprend en soi aussi bien le péché que la grâce. Alors qu’Augustin distinguait Jérusalem et Babylone, Tyconius ne pense pas qu’il s’agissait de deux cités mais que l’Eglise est en même temps Jérusalem et Babylone. L’Eglise est une seule cité avec deux côtés. Selon Ratzinger, l’Eglise, jusqu’au jugement universel, est à la fois Eglise du Christ et Eglise de l’Antéchrist (qui n’est pas Satan mais les hommes pécheurs). « Dans l’état présent, les deux corps de l’Eglise sont inséparablement mêlés, mais ils se diviseront à la fin des temps. La séparation entre l’Eglise comme corps de l’Antéchrist et l’Eglise comme corps du Christ se produira à la fin des temps, lors de la seconde venue du Christ. Cette conception de l’Eglise peut paraître étrange mais elle révèle l’amour du Christ pour toute l’humanité. Il n’y a pas d’un côté les baptisés qui sont devenus exemplaires pour ceux et celles qui restent dans le péché mais tous sont aimés et sauvés par Jésus. Comme l’a affirmé Pierre le jour de la Pentecôte, l’Esprit-Saint repose sur chaque chaire.
L’Eglise au cœur de l’humanité
En faisant du christianisme un religion d’Etat, l’Eglise est tombée dans un rapport aux autres qui n’était plus animé par l’universalisme mais dans un rapport ‘inclusion – exclusion’.
Depuis, l’Eglise a tendance d’inclure ou d’exclure les humains et non d’être au cœur de l’histoire humaine en y insufflant la vérité, l’espérance et l’amour et servant les graines de justice que les hommes sèment dans leur monde. C’est en étant serviteur de l’humanité que l’Eglise prépare le retour de Jésus.
L’histoire de l’humanité peut être qualifié d’un drame historique dont le sort de l’humanité se joue à chaque instant. L’Eglise, au cœur de cette histoire attend et prépare le retour de Jésus-Christ. Le geste de Benoît XVI est à comprendre dans cette vision de l’histoire de l’humanité que Jésus va rassembler et purifié lors de son avènement.
Mai 2017 - R. Pousseur