Visionnaire de l'invisible
La littérature
Un moment de vérité
Véronique Magron - Albin Michel 2019
Véronique Magron, religieuse dominicaine, théologienne spécialiste des questions éthiques est présidente de la conférence des religieuses et religieux de France. Son plaidoyer vif est un texte de combat contre des responsables de l’Eglise catholique qui ont caché des ‘crimes’ car c’est ainsi qu’elle nomme les actes de pédophilie commis par des responsables de l’Eglise.
Véronique Magron a travaillé la Protection judiciaire de la jeunesse. Elle a combattu la fatalité de l’histoire de ces jeunes pour qu’ils puissent ouvrir une porte sur leur avenir. Sa foi en Jésus a été une lumière sur sa route : « Croire en un Dieu fait homme, confesser qu’il est mort, crucifié et que cette mort sauve, est un acte qui sauve de toute fatalité. » (p 16) Elle s’est posé la question : « Comment parler de Dieu si je n’ai pas les pieds dans la boue. ».
Plus d’un lecteur pourra être surpris que l’auteur commence à partager sa foi en Dieu avant d’aborder le scandale des évêques, prêtres pédophiles qui s’est infiltré dans les rouages d’une institution façonnée par une culture du secret. Devant cette situation, Véronique Magron a voulu être en vérité avec le lecteur quand elle a pris sa plume pour dénoncer ces actes criminels. Aussi, Véronique Magron a voulu partager sa confiance en Dieu en précisant quelle idée elle se fait de Dieu. Elle se sent très proche de ce qu’écrit le philosophe juif Hans Jonas après les atrocités de la Shoah : « Dieu a abandonné sa toute puissance pour créer le monde. Et cet abandon a affecté son être… Dieu a renoncé à sa puissance pour faire advenir l’histoire humaine. Et si Dieu s’est entièrement dédié à un monde en devenir, c’est maintenant à l’homme de créer, d’agir, de se donner. » Avant d’être exécuté par les nazis Bonhoeffer a écrit : « Seul, un Dieu faible peut nous venir en aide. » Jésus, en mourant sur la croix, en ressuscitant et en faisant don avec son Père de l’Esprit Saint a triomphé contre toute exclusion, contre toute fatalité pour rendre possible la vie entre les hommes.
Croire en Dieu discret provoque l’homme à lutter contre mille piéges pour que la vérité fasse son œuvre. « La pierre angulaire de la foi chrétienne, un Dieu qui sauve plus qu’il ne juge, un Dieu proche et non maître de doctrine qui s’est trop souvent retournée contre les plus vulnérables, au profit des auteurs du crime , ou de l’Eglise elle-même. Comment les victimes pourraient-elles alors croire encore en ce Dieu là, dans cette Eglise quand c’est elle d’une manière ou d’une autre qui a engendré cette coupable confusion d’une miséricorde qui se soucie d’abord du clerc, et d’un pardon que devrait effectuer la victime. » (p 119)
juillet 2019 - Robert Pousseur