Visionnaire de l'invisible
La littérature
'La naissance des religions'
Yves Lambert
Armand Colin - 2007
L’histoire de l’homme cherchant à dépasser son horizon
Dans notre monde en plein bouleversement culturel et religieux, il est passionnant d’aller au cœur de l’homme pour découvrir ce qui l’anime profondément. Cette démarche permet d’éviter de coller des étiquettes sur l’attitude de ceux qui nous semblent être des étrangers mais permet, au contraire, de saisir ce qui unit profondément les hommes entre eux.
Yves Lambert, directeur de recherches au Groupe Société, Religions, Laïcités dans La naissance des religions (Armand Colin 2007) brosse un tableau des différentes approches de l’histoire des religions. En Occident, sous l’influence chrétienne, on pensait que la religion avait été d’abord monothéiste, puis à cause de la déchéance originelle, l’homme est passé aux cultes voués aux animaux, aux forces de la nature, ensuite aux idoles et aux multiple dieux pour arriver au monothéisme retrouvé. Des penseurs comme David Hume pense qu’à la naissance de l’homme, le culte était rendu aux dieux multiples, ce qui prouve que l’homme était ouvert à la diversité et tolérant. Il est devenu monothéiste et intolérant car le religieux n’acceptait pas la diversité quant à sa foi en un Dieu unique. La philosophie de la lumière, donnant la grande part à l’évolution de la raison, met en relief que l’homme est passé de la sauvagerie, à la barbarie pour aboutir à la civilisation tandis que l’homme religieux passait de polythéisme aux philosophies des lumières en passant par le monothéisme. Auguste Comte distingue trois états de l’histoire humaine : l’homme cherche les causes de ce qui lui arrive dans les puissances surnaturelles puis dans les idées abstraites pour aboutir dans la science. Certains chercheurs avanceront l’idée que la religion sous sa forme la plus pure se trouve dans l’état primitif, quand tout était lié à la religion. Le retour du chamanisme en est une belle illustration.
Y. Lambert identifie cinq grands types de religions auxquels correspondent cinq phases de l’histoire de l’humanité : il illustre les religions des peuples chasseurs - cueilleurs par le chamanisme, les religions orales agricoles par la religion dogon, les religions polythéistes antiques par la religion athénienne à l’époque classique, les religions de salut par l’hindouisme, le bouddhisme et la religion hébraïque et leurs transformation dans la modernité.
Les tentatives d’explication du sens de l’histoire des religions amène Y. Lambert à se demander ce qui peut unifier et expliquer cet ensemble de constats. Pour l’auteur, tout se passe comme si l’évolution humaine était sous-tendue par la tendance à une maîtrise et à un accomplissement toujours plus poussés dans tous les domaines, et cela, pour le meilleur comme pour le pire d’un point de vue normatif.
La recherche religieuse qui est au cœur de l’histoire de l’humanité façonne l’homme. Dans le domaine cognitif, la religion apportent une conception globale de l’existence, dans le domaine matériel, elle aide à maîtriser ce qui est difficile à maîtriser, dans le domaine affectuel, instaure une relation avec les être surnaturels, en profondeur entre les hommes et un accomplissement plénier avec Dieu, dans le domaine éthique, de légitimer les normes présentées comme absolues, dans le domaine social, de susciter des regroupements spécifiques, dans le domaine politique, les religions suscitent la création de mythes de fondation, donne de la légitimation ou de la contestation à certains pouvoirs…
Cette force qui est en tout homme révèle qu’il est un être cherchant à accroître ses chances de maîtrise et d’accomplir sa vie et à briser le mur sur lequel il butte : la mort. Dans ce besoin de toujours se dépasser, l’homme ou le pouvoir utilisera la religion pour le pire qui est de dominer les autres pour sa réussite personnelle ou celle de son peuple.
Etudier la naissance des religions c’est aller au cœur de l’homme, aller au fond de son être pour déceler bien des richesses cachées qui permettent à l’homme de se dépasser ou de s’enfoncer encore plus dans ses ténèbres. C’est aussi pour les chrétiens, aller à la rencontre de Dieu qui parle avec tous les hommes de toute époque comme un ami, un ami respectueux des chemins que les hommes empruntent pour aller au-delà de son horizon. C’est aussi redécouvrir que l’Incarnation et le don de l’Esprit est une aventure que l’homme n’aurait jamais pu imaginer.
R.P
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Illustration de © Robert de Quentin