Visionnaire de l'invisible
La littérature
'Paul, le Juif'
Jean François Bouthors
(Jérusalem & Religions - 2011)
De quoi Israël est-il le signe
et comment fait-il signe, aujourd’hui encore ?
« De quoi Israël est-il le signe et comment fait-il signe, aujourd’hui encore ? » Cette interrogation, les chrétiens doivent l’avoir à l’esprit – ne serait-ce que pour reconnaître que ce signe leur est nécessaire-, et c’est à Israël qu’il revient en premier lieu d’y répondre, car comme héritier d’Abraham, et récepteur de la Torah, il lui incombe à l’égard de l’Alliance et de la Promesse une responsabilité singulière, qui ne peut lui être soustraite. » (p. 25)
Animé par la réflexion du cardinal Lustiger, Jean-François Bouthors, éditorialiste à Ouest-France, collaborateur occasionnel du journal La Croix et de la revue Esprit s’inspire de la figure de ‘Paul, le Juif’ (Editions Parole et Silence) et du récit des actes des apôtres pour éclairer cette interrogation.
A la naissance de l’Eglise, deux principaux courants divisent le peuple juif. Les pharisiens insistent sur l’importance de la Torah orale, la tradition d’interprétation tandis que les sadducéens liés au Temple et au culte qui s’y déroule sont attachés à la lettre de l’Ecriture. Les disciples de Jésus ne récoltent pas les fruits d’une génération spontanée mais ils vont moissonner ce qui avait été semé avant eux par les fils d’Abraham en terre sainte et dans la diaspora. Paul est du courant du pharisien Hillel, né à Babylone, défenseur d’une attitude souple vis-à-vis de la Loi et plus miséricordieuse. Il ne faut pas oublier que Paul, ayant vécu dans un monde non juif, a un esprit ouvert et est disposé à un déplacement spirituel. Bien que disponible intérieurement, Paul pensait avoir la lumière et la vérité. Sur la route de Damas, il a une vision qui va ébranler sa manière de considérer Jésus et ses disciples. Il vit alors un effondrement intérieur qui le plonge dans l’obscurité. Pierre vivra le même renversement. Lors de sa vision à Joppé durant laquelle il entend une voix lui enjoignant de manger les aliments posés sur une nappe, Pierre doit remettre en cause sa manière de trier ce qui est pur et impur. Ces vivions ne sont pas une invitation à provoquer une rupture avec la foi des ancêtres mais à vivre pleinement les promesses des Ecritures : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. » (Ezékiel 36,36). Paul n’accepte pas qu’on réduise l’expérience de la foi à l’application des préceptes juridiques déduits de la Torah. Il annonce la Bonne Nouvelle : la baptisé est appelé à accueillir dans la liberté la Parole créatrice de Dieu.
Dans la même mouvance, les ‘craignants Dieu’, les baptisés issus du paganisme, n’ont pas l’intention de rester sur le seuil, sur ‘le parvis des gentils’. Ils veulent rentrer et être pleinement partie prenante de la vie de la communauté. Grâce à ces coups de boutoir, il ne s’agit pas pour les communautés chrétiennes naissantes de se séparer du peuple juif mais de faire éclore ce que le judaïsme porte en germe.
Il est important de noter que pour l’auteur des actes des apôtres, la prédication et cette nouvelle façon de vivre de la parole de Dieu incarnée en Jésus n’est pas l’objet d’un plan ou d’une stratégie des apôtres mais le fruit de la volonté de Dieu telle qu’elle se manifeste dans les événements ou la rencontre des personnes.
Alors qu’aujourd’hui nos Eglises sont appelées à se libérer de certaines habitudes pastorales rassurantes mais inaudibles pour nos contemporains et à ne pas avoir peur de communier au dynamisme créateur de l’Esprit Saint, ce livre aidera plus d’un à avoir l’audace des premières communautés chrétiennes bousculées par l’Esprit Saint.
Novembre 2011, RP