Visionnaire de l'invisible
La littérature
La bataille de l’euthanasie
Tugdual Derville
(Ad Solem - 2011)
Quand l'émotion est contagieuse
Tugdual Derville, diplômé de Sciences Po. et de l’Essec, licencié en droit, fondateur du mouvement ‘A bras ouverts’ accueillant des enfants handicapés, est chroniqueur dans le domaine bioéthique. Dans ce livre ‘La bataille de l’euthanasie’, il présente sept cas d’euthanasie qui ont bouleversé la France et décrit la façon dont les médias ont présenté ces événements douloureux pour les familles et pour le personnel soignant. L’auteur a entrepris une enquête d’investigation. Nous présentons ce livre sur notre site car la souffrance et la mort provoquée posent des questions cruciales à notre société.
Lisant ce livre dans le train, je me suis permis de demander à ma voisine que je ne connaissais pas, ce qu’elle pensait de l’euthanasie. Etant en première année de vétérinaire, elle me répond qu’à l’école, on leur apprend à respecter la vie des animaux et à savoir interpréter leur ‘langage’. Mais que penser de l’euthanasie pour les hommes ? Elle ne sait que répondre car elle pense à la souffrance des patients, à la difficulté de comprendre leur demande et au respect de la vie. Comme cette jeune, beaucoup aujourd’hui hésitent à avoir une position claire face à l’euthanasie.
L’auteur qui décrit avec beaucoup de respect pour les patients et leurs familles les sept drames présentés dans ce livre se pose alors la question : ‘Pourquoi certains sont-ils tentés de provoquer la mort ?’ Il avance trois raisons : « … pour en exorciser la douloureuse et incertaine approche, par irrépressible désespoir, ou parce qu’à leurs yeux, certaines vies ne méritent pas ou plus d’être vécues. » (p. 21)
Cet ouvrage décrit combien le manque de recul ouvre la porte à toute sorte de manipulations qui utilisent l’émotion pour faire passer leur message. Les médias ont une grande responsabilité dans la ‘contagion’ de l’émotion qui empêche toute réflexion sereine. Trop d’émotions étouffent les voix qui font appel à la raison. Il faut alors énormément d’énergie pour faire émerger la vérité. Car pour réfléchir au problème que posent la souffrance et la mort, il faut être lucide sur le temps de l’audiovisuel qui utilise souvent des arguments massues qui emportent l’adhésion. Par contre, le temps de la presse écrite permet le débat. Le temps de la justice est un temps long qui permet de prendre du recul. Le temps des politiques demande de leur part une liberté intérieure pour servir le pays en réglant par la loi ces questions difficiles et délicates. Quant au temps des religieux qui se traduit souvent par un long temps d’accompagnement, on peut regretter que l’auteur n’en fait pas mention.
Ce livre a le grand mérite de mettre en perspective ces événements dramatiques et de prendre conscience combien certains médias ou lobbyings peuvent étouffer la liberté de jugement en jouant sur une émotion contagieuse, étouffant tout débat serein.
Avril 2012, R Pousseur
