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Visionnaire de l'invisible
La littérature

Le pouvoir et la grâce,
le prêtre du concile de Trente
Gérard Defois
(Cerf - 2013 )

 

Le prêtre du concile de Trente à Vatican II

 

Le pouvoir et la Grâce

           Dans ‘Le pouvoir et la grâce, le prêtre du concile de Trente à Vatican II’ Mgr Defois, ancien archevêque de Lille, retrace l’histoire de la place du ministère sacerdotal dans l’Eglise et la société. Nous n’allons pas résumer ici cette fresque historique passionnante. Nous nous arrêterons plus particulièrement sur la crise du ministère presbytéral qui a précédé et suivi le concile Vatican II.

Avant la séparation de l’Etat avec l’Eglise, le prêtre en milieu rural  était un personnage stable, une référence pour les familles. Il exerçait une fonction de prestataire de services religieux.  En milieu urbain, la mission du prêtre a évolué en passant par la création de nœuds de relations et de solidarités car les hommes et les femmes étaient souvent en situation de précarité et déracinés.

Suite au combat politique pour la laïcité en France, la tâche du prêtre va prendre une autre dimension. « Le prêtre est devenu en fait l’emblème de la foi instituée; aussi, pour limiter son influence, la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat l’enferme dans une catégorie privée des citoyens, ‘ministre du culte’, sans autre reconnaissance administrative. » (p.270)

Une autre évolution va marquer profondément la mission du prêtre du fait que l’Eglise va avoir un regard très pessimiste sur l’évolution de la société européenne marquée entre autres par deux guerres et des génocides. Ce temps marqué profondément par la violence dont font preuve les hommes envers leurs semblables qu’ils considèrent comme des intrus  dans leur société, sera suivie d’une période de reconstructions, d’inventions et de désillusions. En conséquence, l’accent ne sera plus mis sur l’efficacité temporelle de la mission sacerdotale mais sur une action essentiellement spirituelle et morale. Cela aura pour conséquence d’accentuer la rupture avec le monde. Cette évolution entraînera une remise en cause de l’identité au prêtre.

Durant le 20ème siècle, l’action catholique va modifier le ministère du prêtre en donnant la mission aux laïcs de faire de leurs frères des disciples de Jésus. Cette expérience tant prisée par le pape va donner « des vocations souvent politiques, familiales et professionnelles. Et plutôt laïques. » (p 281)

Une autre évolution provoquée par l’expérience des prêtres ouvriers va marquer profondément la vie des prêtres. Elle va poser la question de la compatibilité du sacerdoce avec leur travail manuel et leur participation politique et syndicale aux luttes pour la dignité des hommes. Cette présence active des prêtres dans le monde du travail n’empêchera pas la rupture de continuer à se creuser entre le monde et l’Eglise, entre la majorité des prêtres et la vie réelle des gens ainsi qu’avec les populations nouvelles.  A cause de cette situation, la mission du prêtre ne sera plus centrée sur la reconquête mais sur le témoignage évangélique c’est-à-dire ‘vivre au milieu de tous de façon telle que la vie soit inexplicable si Dieu n’existe pas.’ avait écrit en 1949 le cardinal Suhard dans sa lettre Le prêtre dans la cité (p 305)

Avec le concile Vatican II, le ministère des prêtres va être précisé en reconnaissant à tous les fidèles la mission d’engagement en vue de libérer la création et de purifier le monde moderne de tout ce qui détruit la justice, fausse la vérité, abîme l’amour. Cette tâche missionnaire ne sera donc plus réservée aux évêques et à leurs prêtres. En conséquence, le concile ne reconnaît plus au prêtre une fonction dominante qu’il avait depuis le concile de Trente. Les prêtres ont maintenant pour mission d’engendrer spirituellement les fidèles par le baptême et l’enseignement,  avoir un souci paternel de leur communauté et de rendre parlante la Parole de Dieu en ce monde.

Cette étude est beaucoup plus riche d’enseignements que ce simple résumé. Mais ceux et celles qui ont vécu de l’intérieur cette histoire peuvent rester sur leur faim. Les évolutions soulignées comme importantes peuvent détourner l’attention et occulter les courants qui ont travaillé en profondeur les communautés chrétiennes et les prêtres. Nous ne prendrons ici qu’un seul exemple. Pourquoi Mgr Defois cite longuement le P. Guérin, prêtres fondateur de la JOC en France mais ne fait aucune allusion à l’audace missionnaire de mademoiselle  Monnet, la seule laïque en France qui a fondé, avant la guerre 39-45 deux mouvements d’action catholique spécialisée que sont pour les jeunes filles la Jicf, pour les adultes, l’Aci. Dés leur naissance, ces mouvements ont pris une dimension internationale. Cette jeune n’a pas fondé ces mouvements pour reconquérir les incroyants mais elle voulait rendre témoignage de l’amour de Dieu pour tous les hommes en vivant l’Evangile dans la vie et leur milieu social. Alors qu’il était de tradition que ce soient des religieux qui évangélisent les filles, mademoiselle Monet a voulu que ce soient de ‘simples prêtres’, comme elle l’exprimait, qui accompagnent les équipes. Cette intuition a bouleversé la vie des prêtres lancés dans cette aventure avec des laïcs responsables de l’évangélisation de leur milieu. Les prêtres ont pris conscience qu’ils sont eux-mêmes façonnés par le milieu social de leur famille. Grâce à cette prise de conscience, ils se sont reconnus pleinement participants à l’histoire de leur société. Les prêtres prenaient aussi conscience que  le mur qui séparait l’Eglise du monde était au cœur de chacun et c’est en se convertissant avec leur milieu que le mur qui sépare l’Eglise du monde sera ébranlé. L’amour du monde et la sainteté sont intimement liés, vont proclamer les Pères du concile.

En accompagnant les laïcs méditant l’Ecriture Sainte, les prêtres avaient la joie de recevoir des lumières de la part des laïcs pour communier plus profondément au mystère de Jésus, et cela tout en remplissant leur mission de servir la vérité de l’Evangile enrichie par la tradition de l’Eglise.

Pour ne prendre qu’un exemple, relevons ce qui suit. S’il n’avait pas passé sous silence cette expérience d’un certain nombre de prêtres et de laïcs participant pleinement à la responsabilité de l’évangélisation, Mgr. Defois aurait donné une autre dimension  à sa réflexion sur l’obéissance demandée aux prêtres : « L’obéissance du prêtre à l’évêque n’est pas une soumission toute humaine à la volonté dominatrice d’un autre, elle est communion dans une obéissance partagée à la Parole de Dieu et à l’Esprit agissant dans l’Eglise. » (p 360) Le prêtre est aussi appelé à communier à l’action de l’Esprit qui agit souvent de façon surprenante et mystérieuse dans le monde. Certains prêtres ont payé quelques fois très cher cette obéissance à l’Esprit Saint. Dans ‘L’Eglise en travail de réforme’, le père Ghislain Lafont rejoint l’expérience de ces prêtres et ces laïcs en posant une question : « Avons-nous, dans l’Eglise, pris vraiment toute la mesure de deux orientations fondamentales données au concile Vatican II : d’une part, une volonté d’approcher positivement le monde et la terre des hommes, tout au long de la constitution Gaudium et spes ; de l’autre, l’affirmation décidée de la vocation universelle à la sainteté, déclarée au chapitre V de Lumen Gentium? » ('L’Eglise en travail de réforme’ Editions du Cerf p 119)

             

Juillet 2013  - Robert Pousseur

 

 

 

 

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