Visionnaire de l'invisible
La littérature
Voici l'Homme
Jacky Stinckens
(Novalis - 2013)
Découvrir le visage de Dieu
en regardant un condamné à mort ?
Voici l’homme » dit Pilate en exhibant Jésus flagellé et couronné d’épines. « Est-ce possible qu’un homme, anéanti comme l’est Jésus en cette circonstance, soit vraiment de Dieu ? Est-ce possible aussi qu’un Dieu tout-puissant puisse s’incarner dans une condition humaine aussi avilie sans perdre sa transcendance ? » (p 25) Pour Jacky Stinckens, dans ‘Voici l’Homme’, la déclaration de Pilate lance le débat de l’indissolubilité entre l’image que nous nous faisons de Dieu et celle que nous avons de l’Homme.
En rapportant ce qu’a proclamé Pilate devant la foule, l’évangéliste Jean cherche à mettre en évidence l’écart entre le visible et l’invisible. « La relativisation de ces évidences humaines a pour objectif de faire ressorti la nécessité d’un second regard, même par rapport à nos acquis, à nos catégories établies, à nos dogmes. » (p 57)
Jusqu’à la mort de Jésus, les disciples de Jésus n’arrivent à a découvrir Jésus avec ce ‘second regard’. Philippe demande à Jésus de lui montrer le Père : « Celui qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : ‘Montre-nous le Père ?’ » lui répond Jésus (Jn 14,9)
Le don de la foi donne un autre regard sur Dieu, sur l’humanité, sur le cosmos. Ce don porte ses fruits surtout dans une rencontre personnelle avec ‘l’autre’. Jacky Stinckens remarque que dans l’évangile de Jean, seules les rencontres individuelles ont porté fruit. Quant aux rencontres collectives, elles ont souvent provoqué une rupture. « …selon Jean, la perception exacte relève d’une expérience personnelle plutôt que collective. » (p 68) Le croire selon Jean, est étroitement lié à une expérience de rencontre vécue. Il faut apprendre à voir la présence créatrice de Dieu en dehors des temples mais sur le Golgotha, là où s’est manifesté la condition humaine la plus révoltante qui soit, sur la croix. Le mystère de l’amour de Dieu s’y est révélé.
« Pour que les récits de la passion fassent ‘vivre’ dans le sens fort du terme, il ne suffit donc pas qu’on se souvienne de ce qui est arrivé à Jésus… Le réel intérêt des récits de Pâques relève de leur impact sur notre devenir. » (p 74)
Cet ouvrage a le grand mérite de nous solliciter à relire notre vie en regardant l’Homme avec un autre regard que celui que nous portons habituellement sur Dieu, les autres et nous-même.
Avril 2014 - Robert Pousseur