Visionnaire de l'invisible
La littérature
Gouverner au nom d'Allah
Boualem Sansal
(Gallimard - 2013)
Quand un algérien décrit la soif de pouvoir
dans le monde arabe
Boualem Sansal, une des grandes voix de la littérature algérienne, a été très tôt confronté à l’islamisme. Il découvre l’islamisme par l’arrivée discrète de prédicateurs, la plupart frères musulmans, venus du Moyen-Orient. Ils ont gagné le cœur de nombreux jeunes ‘en rupture avec le monde étriqué et sans horizon que leur promettait le socialisme bureaucratique au pouvoir. (p15). Aujourd’hui, les puissances pétrolières combattent l’occidentalisation culturelle des pays musulmans et encouragent les communautés musulmanes implantées en Asie et en Occident à rester fidèles au Coran tel que les islamistes radicaux l’interprètent.
L’auteur présente avec beaucoup de clarté les deux interprétations du Coran.
Le prophète Mohammed enseignait que en cas de doute sur le comportement à avoir, il fallait d’abord faire un effort de réflexion personnelle, puis consulter des érudits mais en dernier ressort, c’est le jugement personnel qui prévaut. L’islam n’étant pas encadré par un clergé, il appartenait « à chacun de décider en fonction de sa lecture des textes religieux, des circonstances qui sont les siennes et de l’endroit où il se trouve. » (p 27) Ce respect de la conscience de chacun a eu des conséquences dramatiques notamment la naissance de nombreux courants dont les principaux sont le sunnisme très présent en Arabie Saoudite, en Irak, le Maghreb, l’Egypte, en Afrique noire… le chiisme majoritaire en Iran, en Syrie, au sud Liban, le kharidjisme très influent chez les berbères et au Soudan, le soufisme en Turquie…
Certaines écoles de pensée s’en tiennent à cet enseignement du Coran qui dit explicitement : « Point de contrainte en religion. ». Cette école enseigne un islam tolérant, respectueux et moderne avec un véritable amour pour la recherche scientifique. « Ben Badis a inspiré un curant réformiste important dans tout le Maghreb mais il est resté très élitiste, alors que le discours des frères musulmans s’adressait aux couches populaires et aux jeunes tenaillés par le nationalisme et l’envie de découdre avec le colonialisme et l’Occident. » (p 29)
D’autres écoles privilégient en revanche les versets qui légitimes la contrainte jusqu’à l’écrasement, ceux-là commandent aux musulmans le jihad contre l’infidèle, et notamment le verset dans lequel Allah ordonne à Mohammed : « Ô Prophète, même le jihad contre les infidèles et les hypocrites et sois dur à leur égard. » Mohammed, se montrant impitoyable, ordonna l’extermination de la tribu juive de Banu Ourayzah.
En espérant que ces quelques lignes donnent envie non seulement de lire cet ouvrage courageux mais provoque celui ou celle qui entend parler des musulmans par des rumeurs ou certains médias, à rencontrer des croyants musulmans pour apprendre d’eux combien le Coran peut-être source d’une vie spirituelle authentique. Et comme le recommande saint Pierre, « Soyez toujours prêt à justifier votre espérance devant ceux qui en demandent compte. Mais que ce soit avec douceur et respect… » (1 P 3,15)
Mai 2014 – Robert Pousseur