Visionnaire de l'invisible
La littérature
La mémoire du Monde
Stéphanie Janicot
(Albin Michel - 2013)
La place des femmes dans l’histoire du Monde
Dans La mémoire du Monde, Stéphanie Janicot met en scène une cananéenne dont la famille a émigré en Egypte au temps des pharaons. Ce roman raconte l’histoire d’une femme qui a bu un breuvage qui l’a rend présente à l’histoire humaine au cours des siècles et qui garde la mémoire de l’histoire du monde, histoire jalonnée par nombre de ruptures et de renaissances.
Pour ne prendre qu’un exemple : Sa descendance est confrontée à la culture grecque : « Nourrie de contes merveilleux et de magie divine, j’entre dans une ère nouvelle, celle de la raison. Je sens l’imperfection de la théorie par ces Grecs. Elles n’expliquent pas grand-chose, mais elles ont su se détacher du divin pour approcher le mystère de la vie. C’est sublime. J’avais entrevu cela jadis, avec Thalès, mais à aucun moment cela n’avait suscité mon envie de réfléchir par moi-même. À présent, je suis assaillie par les questions : s’il n’existe pas de dieux, comment peut-on expliquer ce qui nous entoure ? Est-ce que les nombres suffisent ? Un univers mis en équation est-il vivable ? Le temps de la poésie épique s’achève avec celui des mathématiques et de la physique. Ce futur porte en lui l’espoir d’une sagesse, d’un temps où les hommes cesseront de se battre et s’affronteront à coups d’idées. Alors seront finies les guerres. Et les femmes trouveront leur place car il ne s’agira plus de force mais d’intelligence. Oui, je reconnais avoir cru que cela adviendrait … J’ai cru que les Grecs avaient conduit l’esprit humain à un stade de développement rendant tout affrontement physique inutile. Puisque nous n’étions plus les jouets des dieux jaloux, nous pouvions résister à la tentation du mal. »
Ce roman rend justice à la place des femmes et des filles dans cette histoire. Le lecteur entre dans l’histoire du monde avec une mémoire et une sensibilité féminine. En fermant ce livre, on se dit qu’on ne peut approcher de la vérité historique que si on accepte d’intégrer dans sa réflexion un double regard, l’un masculin, l’autre féminin.
Septembre 2015 - R. Pousseur