Visionnaire de l'invisible
La littérature
Le monde a-t-il un sens ?
Jean-Marie Pelt
et Pierre Rabhi
(Fayard - 2014)
Aujourd’hui, la question du sens
a bien du mal à s’inventer au débat.
« La question du sens de la vie et du sens de l’univers est la grande absente du flux médiatique de nos sociétés matérialistes et consuméristes… Pour nombre de nos contemporains, cette question de sens ne se pose plus, ou du moins plus explicitement. » (p 9) La plupart des scientifiques ne voient dans l’histoire de l’univers et de la vie que hasard et contingence et n’avancent pas l’idée que l’évolution du monde pourrait avoir un sens. Jean-Marie Pelt poursuit en notant que pour l’homme du Moyen Âge et, pour aujourd’hui, une large part des musulmans, la réponse se trouve dans leur croyance qui se trouve dans l’au-delà de leur vie terrestre. Est-il possible de réfléchir au sens de l’évolution du monde en dehors de la sphère du hasard ou de la croyance en Dieu ?
Dans l’esprit du temps, Jean-Marie Pelt se propose d’apporter une réponse à la direction prise par l’évolution de l’univers. Il avance le concept ‘d’associativité’ qui ne se désigne pas seulement mathématique mais qui peut être élargi à un champ plus large. « L’associativité devient alors, à travers toute l’histoire de l’univers, la manière dont des entités simples s’associent à deux ou plusieurs entités pour aboutir à des entités plus complexes avec émergence de propriétés nouvelles. » (p 12) A chaque fois qu’il y a eu une associativité positive, elle a été créatrice de nouveauté. Comme le dit justement Pascal : « Le tout est plus que la somme des parties »
Prenons deux exemples présentés par l’auteur : Une molécule d’ADN humain compte 150 milliards d’atomes correspondant à plus de 3 milliards de nucléotides aujourd’hui parfaitement séquencés : l’ordre de leur disposition sur l’ADN est connu… mais soulève une question cruciale : « Pourquoi et comment les nucléotides se sont-ils associés dans un ordre particulier, constituant ainsi les gènes dont chacun est porteur d’une ou plusieurs informations génétiques ? « (p 54 – 55)
L’autre exemple présenté par l’auteur a trait à l’invention de la sexualité Les cellules des êtres supérieurs dont l’humain se distinguent par l’enfermement de leur ADN dans un noyau. L’ADN est incapable de passer en tout ou en partie d’une cellule à l’autre. L’évolution a alors ‘inventé’ la sexualité. Quand deux individus, un homme et une femme, possédant chacun dans leurs organes génitaux, des spermatozoïdes ou ovocytes, s’unissent, les gamètes en se rencontrant et en fusionnant, additionnent une moitié du patrimoine génétiques de chacun, créant ainsi une cellule œuf qui donnera à son tour un embryon, puis un fœtus et enfin un nouveau-né. Qui fait un œuf crée du neuf. « Plus les combinaisons génétiques sont nombreuses et diverses, plus grandes sont les chances de résister à des crises environnementales car il y aura toujours des biotypes capables de s’adapter et de franchir l’obstacle. Il n’en va pas de même pour les clones : tous possèdent le même patrimoine génétique… La rencontre de deux gamètes et leur association conditionne la perpétuation de la vie. » (p 67) « La vie doit davantage à l’alliance qu’à le rivalité, à la combinaison qu’à l’affrontement, à la paix qu’à la guerre. « La coopération est un trait de l’évolution.» écrit le grand biologique anglais John Meynard Smith. (p 86)
On aurait pu aussi recenser les chapitres qui ont trait à l’agressivité chez les animaux dont certains arrivent à la dominer et approcher du pardon et aussi sur les sociétés humaines… pour finir à réfléchir sur la question du sens. « Dans nos sociétés bercées par l’idée du non-sens telle que la véhiculent la plupart de nos penseurs contemporains, la question du sens a bien du mal à s’inventer au débat. » (p 132)
Pendant une évolution de 13,8 milliard d’année, qu’est-ce qui a permis aux lois de la physique universelle finement réglées de rendre possible l’émergence de la vie puis celle de l’humain : le hasard ? L’intervention d’un principe créateur ? Dieu ? Si nous avons l’audace de réfléchir au sens de l’évolution du monde, nous ne pourrons échapper à nous demander ‘Et après ? Quid du futur ?’ Pierre Rabhi aborde la question de l’avenir pour l’humanité et termine son intervention par cette réflexion qui peut guider ceux et celles qui cherchent à servir l’humanité : « Prétendre que nous allons à nous seuls changer le monde serait bien sûr irréaliste et vaniteux ? Prétendre que le monde peut changer avec le concours d’une volonté humaine, sou l’éclairage de l’intelligence de la vie, oui ! Le temps de la puissance de la modération, constitutive de l’essor d’un vivre – ensemble généreux et solidaire, est aujourd’hui la seule évidence. » (p 175)
Avril 2016 - R. Pousseur