La Foi vécue en Église,
L'Eucharistie
Texte de référence
3- Vous ferez cela en mémoire de moi
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Prologue
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Vers le 10ème chapitre
- Dans le chapitre précédent, vous nous avez aidé à comprendre que le pain et le vin consacrés révèlent la façon dont Jésus est présent dans l’aventure humaine. Dans la lettre aux Corinthiens, on découvre le plus ancien texte sur l’Eucharistie (1 Cor 11, 24-26). Paul écrit que la communauté chrétienne célébrant l’Eucharistie annonce la mort de Jésus jusqu’à ce qu’il vienne. Paul demande à la communauté de se souvenir du passé en faisant mémoire de la mort de Jésus et de regarder l’avenir en espérant le retour de Jésus, comme il l’a promis. Comment comprendre ces paroles ?
- Pour comprendre Jésus, il ne faut pas oublier qu’il a été façonné par une autre culture que la nôtre. Nous, les occidentaux, nous considérons que le futur est devant nous : nous cherchons toujours à aller de l’avant, à faire des prévisions, de la prospective. Nous vivons aujourd’hui pour préparer demain, mais nous avons du mal à vraiment profiter de l’instant présent. Nous sommes peu contemplatifs.
« Toujours issue de mes pérégrinations citadines, cette photo est intitulée: ‘La Solitude Heureuse du Voyageur.’ Elle fait référence aux moments de tranquillité que nous offre parfois le transport urbain. Au milieu de l'agitation de la ville, le temps semble alors se suspendre et devient propice à la contemplation et à la réflexion."
Ekaterina Ginguené
- Les sémites, donc Jésus et ses apôtres, avaient une conception différente du temps. En hébreu, les mots qui disent ‘’demain’’ renvoient à ce qui est derrière nous, et ceux qui disent ‘’hier’’ désignent ce qui est devant. Les apôtres qui étaient des sémites vivaient l’aujourd’hui en restant fidèles à l’histoire de leur peuple. Quant à leur avenir, ils faisaient pleinement confiance à Dieu. Pour eux, l’avenir appartient à Dieu. Paul nous rappelle que nous devons regarder en face la mort atroce de Jésus qui arrache l’humanité au Mal. Contempler ce qui s’est passé hier nous provoque non seulement à regarder les mille visages de la mort qui défigurent l’humanité hier et aujourd’hui mais aussi à faire confiance à notre Père qui a surpris tout le monde en ressuscitant Jésus trois jours après sa crucifixion.
Lorsque nous évoquons le Royaume de Dieu, dont Jésus a parlé, nous disons à la fois qu’il vient et qu’il est déjà là, que Jésus l’a établi et que nous l’attendons. Nous affirmons que Jésus lui-même est venu et qu’il est présent aujourd’hui, qu’il vient et qu’il viendra. Et le livre de l’Apocalypse l’appelle : ‘’Celui qui est, qui était et qui vient’’. A travers ces formules, nous passons sans cesse du passé au présent et du présent à la confiance en Dieu pour l' avenir. Ce langage s’explique par la conception du temps qu’avaient Jésus et ses apôtres.
- Faut-il comprendre que le temps de Dieu ne correspond pas au temps des hommes de culture occidentale?
- Nous avons du mal à imaginer que Dieu ne soit pas dépendant du temps comme nous car notre action nous transforme : nous ne sommes plus les mêmes après avoir agi. Notre action nous crée. Dieu agit, mais son action ne le change pas. Dieu est un présent qui dure. Les psalmistes le chantent en d’autres termes : « Seigneur, tu es un roc sur lequel nous pouvons nous appuyer.»
- Pouvez-vous en dire plus ?
- Pour vous l’expliquer, je vais prendre un exemple. Quand on parle de quelqu’un qui pardonne, il s’agit d’une action dans le temps : il y a un avant où il ne pardonnait pas, et un après où il a pardonné. Quand la Bible dit : ‘’Dieu est pardon’’, c’est son être même qui est révélé. Il nous offre son pardon avant que nous le lui demandions. Quand Jean proclame : ‘’Dieu est amour’’, il dit beaucoup plus que : ‘’Dieu nous aime’’. Aimer, c’est la manière d’être de Dieu et non pas le sentiment d’un moment ou d’une occasion particulière. Il n’y a pas un temps où Dieu aime et un temps où il n’aime pas, il est amour. Dieu aime chacun d’entre nous, sans limite de temps. Cet amour ne dépend aucunement de notre comportement. Cet amour éternel s’exprime entre autres dans le mystère de l’Eucharistie. C’est pour cela que Jésus a demandé à ses apôtres de faire mémoire de son acte d’amour. ‘’Jésus-Christ est le même, hier et aujourd’hui, et il le sera pour l’éternité’’ (He 13/8). ‘’Si nous sommes infidèles, lui demeure fidèle, car il ne peut pas se renier lui-même’’ (2 Tm 2/13).
- Cet amour ne risque-t-il pas d’étouffer notre liberté ?
- L’amour de Dieu nous est toujours offert, mais nous gardons notre entière liberté de le refuser. Il nous revient de le découvrir et de l’accueillir pour le faire nôtre. Cette rencontre nous sauve, dit Paul Ricœur ‘’à la fois de l’aveugle recommencement du cycle cosmique et de l’émiettement d’une histoire purement évènementielle’’. Cette rencontre inscrit l’histoire humaine et le destin de chaque homme dans le dynamisme du dessein de Dieu.
- Quel lien faites-vous avec l’Eucharistie et notre vie de tous les jours ?
- Nous répondrons plus longuement dans le mois prochain. Mais nous pouvons dés maintenant amorcer la réflexion. Dans son livre sur l’eucharistie, le P. Ph. Béguerie met en lumière une distinction très importante entre notre mentalité occidentale qui classe les évènements par rapport au sujet qui les observe (le narrateur est ainsi placé au centre du temps) et la mentalité sémitique, biblique qui distingue deux formes verbales : l’accompli et l’inachevé. L’action est accomplie, achevée, ou en train de se faire, inachevée. Quand Jésus dit à ses apôtres « Faites cela en mémoire de moi ! » il les invite à penser à lui qui s’est offert à son Père et aux hommes sur la croix et il leur révèle que ce don est inachevé : il ne sera pleinement achevé que quand l’humanité, nous tous, nous ferons corps avec lui. A toutes les célébrations eucharistiques, nous adhérons personnellement et communautairement à l’histoire de Dieu avec l’humanité : celle de Jésus, né un jour du temps, qui a souffert sous Ponce Pilate, qui est mort et a été enseveli…La célébration de l’Eucharistie est un moment unique : la communauté chrétienne célèbre la solidarité de Jésus avec l’humanité d’aujourd’hui et notre union au don de Jésus à son Père et à tous les hommes.
Décembre 2013 M. M. Jaubert, Jn-C Faivre d’Arcier et R. Pousseur
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