La Foi vécue en Église,
L'Eucharistie
Texte de référence
4 - Jésus invite ses disciples à sa table et à marcher à son rythme |
Prologue
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Vers le 8ème chapitre
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Vers le 10ème chapitre
-- Dans le chapitre précédent, vous nous avez aidés à réfléchir sur la conception du temps qu’ont les sémites, donc de Jésus, conception bien différente de celle qu’ont nos contemporains. Et Dieu qui semble rester sourd aux cris des hommes et absent alors que des décisions injustes écrasent des peuples entiers, n’a pas l’air d’avoir la même conception du temps ni des sémites ni de nous. Pouvez-vous préciser votre pensée ?
- Vivre au rythme de Dieu ? Cette question en appelle deux autres : qui est l’homme pour Dieu et qui est Dieu pour l’homme ? Face à ces questions, la liturgie eucharistique est très éclairante. Elle débute en invitant les fidèles à se reconnaître pécheurs et à accueillir en eux l’amour de Dieu « qui les lave de toute faute…qui leur apprend la sagesse… qui crée en eux un cœur pur… qui les envoient annoncer la bonne nouvelle... », comme le chante si justement le psaume 50. Mais, aux yeux de Dieu, l’homme n’est pas qu’un pécheur pardonné : le psalmiste n’hésite pas à proclamer : « Dieu, que tes œuvres sont prodigieuses : Je confesse que je suis une vraie merveille… mes os ne t’ont pas été cachés lorsque j’ai été fait dans le secret, tissé dans le sein de ma mère. » (Ps 139) Après avoir repris conscience d’être quelqu’un de précieux pour Dieu, la Parole de Dieu, extraite de la Bible, annonce ensuite à la communauté rassemblée pour célébrer l’Eucharistie que Dieu vit avec les hommes et souvent d’une façon discrète l’aventure du cosmos.
Dans le prologue de l’évangile de Jean, la Parole de Dieu, le Verbe existant de toute éternité, entre dans notre histoire en prenant corps en Marie. « Le Parole de Dieu s’est fit chair et a habité parmi nous. » (Jn 1/12). Et elle a pris chair au rythme de Dieu qui n’est pas étranger au rythme des hommes. En Jésus, la Parole de Dieu a pris neuf mois pour naître. Joseph, en découvrant sa fiancée Marie enceinte, a pensé rompre sa relation avec elle. Il a fallu un temps de réflexion et qu’il fasse un songe pour revenir sur sa décision de la congédier. Jésus naît dans une étable, un endroit qui n’attirerait pas les médias, comme on le dirait aujourd’hui. L’annonce de sa naissance est faite à des bergers, personnes marginalisées par la haute société de l’époque. Pour répandre une bonne nouvelle, était-ce la solution la plus efficace ? Quant aux mages, il a fallu toute leur compétence, leur foi en leur science pour faire une longue route et découvrir le Roi des juifs encre bébé. Seul, un homme, se laissant envahir par son attachement à un pouvoir corrompu et à son émotion, prend une décision rapide : tuer les enfants de Bethléem et de ses environs qui sont nés à la même époque que Jésus.
Ce récit de la naissance de Jésus nous permet d’entrevoir le rythme que Dieu prend pour vivre avec l’humanité : Il prend le temps d’aller à la rencontre de Marie, de dialoguer avec elle, de respecter Joseph qui doit mûrir une décision difficile à prendre, fait confiance aux ‘démunis’ que sont les bergers et non aux experts en communication. Non seulement Dieu à son rythme propre mais il associe à son œuvre tous les hommes en accompagnant les mages qui se mettent en route pour vénérer le roi des juifs qui vient de naître. Quelle image les mages, hommes de réflexion, se faisaient-ils de ce roi qui vient de naître ? Matthieu, qui rapporte cet événement ne le précise pas.
- Ces événements rapportés par Matthieu et Luc sont-ils historiques ?
- Quelque soit la lecture que les spécialistes de la Bible font de ces récits, ils illustrent d’une façon éclairante, sans doute d’une façon symbolique, la façon dont Dieu s’inscrit dans l’histoire de l’humanité. On pourrait dire que Dieu respecte un vieux dicton : « On ne croit que ce que l’on met soi-même au monde. » Dieu n’est ni un dictateur, ni un tout puissant qui impose sa volonté, ni un démarcheur pour qui le plus important est de vendre son produit qui serait d’annoncer la Bonne Nouvelle. Il est un ‘serviteur de la vie naissante’ et ce avec l’accord conscient des hommes, des femmes et des enfants de bonne volonté et qui acceptent de marcher au rythme de Dieu, un rythme qui respecte profondément la dignité, la sagesse et les initiatives de chacun.
- Comment Jésus a-t-il vécu au rythme de Dieu ?
- Pour répondre à votre question, il faudrait l’illustrer par la vie de Jésus. Nous n’allons prendre qu’une aspect de sa vie: le choix qu’a fait Jésus, après une nuit de prière, pour appeler à sa suite 12 apôtres, « pour qu’ils soient avec lui. » (Mc 3,14) : . Ce choix n’a pas été évident pour Jésus. Il suffit simplement de rappeler une anecdote : la mère des deux apôtres Jacques et Jean est venu trouver Jésus pour lui demander « qu’ils siègent, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ton Royaume. » ‘Mtt 20,20) Cette maman dévoile ce que rêvaient certains apôtres qui ont suivi Jésus : régner avec lui sur le peuple délivré de l’occupation romaine. Au bout de trois ans ensemble, Jésus n’a pas réussi à briser ce rêve de libération. Quand des soldats sont venus de nuit l’arrêter, Judas l’avait déjà vendu, Pierre le reniera, neuf autres apôtres font prendre la fuite. Sa mère et Jean l’accompagneront avec quelques femmes jusqu’au pied de la croix. Jésus se retrouvera quasi seul sur la croix. Il aura fallu trois ans de compagnonnage avec Jésus, passer par l’épreuve de la mort ignominieuse de Jésus et le don de l’Esprit pour que les apôtres changent leur regard sur Jésus, le ‘Serviteur souffrant’ annoncé par le prophète Isaïe. Trois ans, le temps d’un enfantement, pour que les apôtres découvrent la mission que Dieu le Père a confiée à son Fils. Dieu sait prendre son temps et donne sa force à l’homme pour qu’il mène un combat intérieur pour changer son regard sur lui-même, sur les autres, sur la responsabilité qu’il doit prendre dans l’aventure humaine, sur sa foi et son espérance en Dieu…
"En faisant référence à la naissance de Jésus et au choix de ses apôtres le texte nous transmet un message d’espoir et d’humilité. Il nous parle de l’extraordinaire confiance du Christ en l’Homme malgré ses failles et ses faiblesses. J’ai choisi d’illustrer cette réflexion avec une photographie du sol de la ville. A première vue le trottoir est dénué d’intérêt esthétique. Mais j’ai peu à peu découvert ses qualités photogéniques et sa beauté singulière".
Ekaterina Ginguné
-L’Eglise naissante va-t-elle prendre ce rythme de Dieu ?
- Avant de mourir, Jésus n’a laissé que très peu de consignes à ses apôtres : faire mémoire de lui en faisant son geste de partage du pain, de s’aimer les uns les autres, d’annoncer la Bonne Nouvelle dans le monde entier. Notons que Jésus n’a pas choisi Jean, le disciple le plus méritant pour être responsable des apôtres mais Pierre, le pécheur repentant et pardonné. Comme si Jésus ne voulait pas laisser derrière lui une communauté de parfaits mais une assemblée de pécheurs pardonnés et non des fidèles installés dans leur religion.
Cette absence de consignes a permis aux apôtres de se laisser surprendre par bien des événements. Pour n’en prendre que trois : les chrétiens d’origine grecque se plaignaient d’être délaissés par le première communauté chrétienne. Les apôtres instituent sept disciples diacres pour les servir. Quelques uns d’entre eux vont quitter Jérusalem et rejoindre, en Samarie des membres persécutés de leur communauté. Ils saisissent l’occasion pour prêcher la Bonne Nouvelle dans ce pays qui a coupé les ponts avec Jérusalem. Les apôtres, envoyés par Jésus annoncer la Bonne Nouvelle dans le monde entier ont dû sortir de Jérusalem et mettre leur pas dans ceux des diacres qui les conduit en Samarie pour remplir la mission que Jésus leur a demandé de réaliser. Pierre, appelé en songe à entrer dans la maison d’un païen qui demandait le baptême, devra rendre des comptes à la communauté chrétienne de Jérusalem, troublée qu’il soit impur aux yeux des juifs, chrétiens ou non, par le fait d’être entré dans la maison d’un païen. Jésus ressuscité a surpris les apôtres en choisissant Paul, persécuteur de la première communauté chrétienne, comme ‘l’apôtre des gentils’, des non – juifs. La première communauté chrétienne a appris qu’il fallait s’attendre tout le temps à être surpris par des initiatives de l’Esprit Saint qui venait continuellement la bousculer, la remettre en cause et l’appeler à renaître continuellement.
- Justement, est-ce que le pape François ne désire-t-il pas que l’Eglise vive au rythme de Dieu, à l’exemple de la première communauté chrétienne. ?
-Quand le pape François demande aux disciples de Jésus de prendre du temps pour exprimer leur amour et leur reconnaissance à Dieu notre Père, à Jésus-Christ et à l’Esprit Saint, de sortir et d’aller à la rencontre de ceux et celles qui vivent au frontières de l’Eglise, d’être fraternel avec ‘pauvres’ donc d’être une Eglise pauvre, de prendre le temps de dialoguer avec ceux et celles qui sont différents pour s’enrichir mutuellement et non d’être des juges ou des doctrinaires… Le pape ne souhaite-t-il pas que l’Eglise enfante une nouvelle façon d’être dans notre monde certes généreux dans sa dimension mondiale, inventif, créant de nouvelles façons d’être en relation grâce à Internet, mais dominé par l’émotion, par l’argent et l’ambition personnelle, par des courants religieux intégristes qui utilisent la religion pour dominer…
Le Pape François ne demande pas de vivre au rythme de Dieu mais que Dieu puisse vivre à son rythme en chacun. Et cela peut avoir d’énormes conséquences dans la vie : prendre le temps de la réflexion personnelle, ne pas chercher seulement à transmettre aux enfants des valeurs ou la foi mais veiller qu’ils engendrent eux-mêmes et dans les douleurs, leur propre vie, leur foi en eux, dans les autres, en Dieu. Vivre au rythme de Dieu dans le travail, est peut être savoir prendre le temps ou chacun puisse apporter sa propre pierre… etc… etc…
Comme me confiait un évêque d’Afrique centrale qui m’avait sollicité pour animer une session de formation : « Le dimanche, nos églises sont pleines. Mais je préfère qu’il y ait moins de pratiquants le dimanche et plus de pratiquants en semaine qui servent avec amour la justice ! »
Que de changements dans notre monde si les disciples de Jésus marchaient au rythme de Dieu.
Décembre 2013 Ekatarina Ginguné, J.-C. Faivre d’Arcier et R. Pousseur
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